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SANTA-ROSA.

affaire de Novarre, où l’armée constitutionnelle fut mise si promptement en déroute ; c’est la seconde blessure, ô mon ami, elle saignera toujours ; elle me fait languir misérablement. Je sais tout ce que tu peux répondre aux reproches que je fais à ma vie politique. Je me suis dit, je me dis tous les jours, qu’il me reste de beaux et grands devoirs à remplir ; mais si la force de les remplir me manque, si la volonté, qui fait tout l’homme, vacille sans cesse, que ferai-je ? Si mon ame est malade, doit-on lui demander les actions d’un être rempli de vigueur ? J’ai tenté le dernier remède. Si ma démarche a des suites, je redeviens moi-même, j’aurai un retour de jeunesse ; si elle n’en a point, réhabilité à mes yeux, je lèverai la tête, je retrouverai la conscience de moi-même.

« Qu’auras-tu pensé en apprenant que j’étais devenu maître de langue à Nottingham ? Que veux-tu ! je me suis vu près de manquer d’argent. Sentant que ma dépense d’une semaine à Londres imposait des sacrifices à ma famille pour des mois entiers, rougissant de demander de nouvelles sommes, ayant une répugnance insurmontable à écrire pour les journaux, j’ai pensé qu’il fallait avoir du pain qui ne me coûtât ni honte, ni un travail antipathique. Quel triste métier que d’écrire des articles de journaux ! J’en ai fait l’expérience.

M. Bowring m’a demandé un article pour sa Revue de Westminster ; je l’ai fait. « Bon, m’a-t-il dit, très bon, mais trop long. » Je l’ai mutilé. « Bien, à présent. » Puis, au bout d’un mois, : « Le rédacteur le trouve écrit dans un esprit qui ne lui convient pas ; il faut le refondre. » Je le redemande. On me refuse avec douceur. Je le laisse, qu’on en fasse ce qu’on voudra. Un beau jour, j’en reçois les épreuves, je trouve des contre-sens, des omissions ridicules ; je corrige, j’arrange tout et je renvoie le paquet à Londres. Des mois se passent sans que j’en aie de nouvelles. Que toutes ces vicissitudes sont fatigantes ! Non, plus d’articles, je me sens la force de faire autre chose que des articles. Aussitôt que j’aurai la réponse de Londres, je règlerai ma vie, j’irai me renfermer dans un grenier à Londres, auprès d’une bibliothèque publique ; j’aurai par devant moi quarante-cinq louis environ ; je travaillerai avec ardeur, j’en ai le pressentiment.

« J’écris peu en Piémont ; les nouvelles que j’en ai sont excellentes en ce qui regarde la santé de ma femme et de mes enfans, et l’affection que me conservent tous mes amis. Quant à la fortune, ma femme avait presque obtenu que mes biens lui fussent cédés par le gouvernement ; tout était conclu, il ne fallait que la signature du roi ; il l’a refusée. On espère encore, malgré ce premier refus. Je laisse faire,