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SANTA-ROSA.


10 septembre 1823.

« Je travaille avec suite, mais sans goût. Bien me fâche qu’il faut que j’écrive des articles de journaux, ils m’empêcheront d’exécuter des ouvrages plus sérieux. Grande objection, je le conçois ; mais premièrement le besoin de gagner quelque argent est impérieux pour moi, et les articles de journaux sont le seul moyen d’en gagner qui soit entre mes mains. En second lieu, il me paraît que, lorsque je serai un peu exercé, ce travail ne prendra que la moitié de mon temps, et que je pourrai donner l’autre à mes anciens projets.

« Je t’ai écrit que je ne plaisais guère aux Anglais, et en général c’est assez vrai ; mais il y a cependant quelques personnes sur l’amitié desquelles je crois pouvoir compter. Je connais, entre autres, une famille de quakers, la famille Fry, qui est dans le commerce, riche, et dont un des membres, la mère de famille Catherine Fry, est connue en Angleterre par les soins qu’elle donne aux prisonniers de New-Gate. J’ai passé quelques jours avec eux à la campagne, et cette famille a fait sur moi une impression profonde.

« J’ai relu trois fois le Parga de Berchet ; la troisième partie est un chef-d’œuvre. Dans le reste, il y a des longueurs, et cependant il y manque des détails intéressans et nécessaires. Berchet vient de publier deux romances italiennes ; la première est écrite avec beaucoup de verve et de grace, mais la seconde a un caractère plus sérieux : c’est un morceau de poésie d’une beauté achevée.

« As-tu lu Las-Cases ? En vérité, il faudrait avoir perdu la mémoire pour prêter quelque foi à tout ce que Napoléon nous va disant de ses beaux projets libéraux. Il a vu que la tendance de notre époque était à la liberté depuis 1814, et s’il a joué gauchement son nouveau rôle en 1815, cela ne l’empêche pas, dans le manifeste qu’il adresse à la postérité par Las-Cases, de nous faire de la poésie sur ce qu’il voulait, sur ce qu’il allait entreprendre pour la liberté. Mais ce qui me raccommode avec Napoléon, ce sont ses successeurs : ils travaillent nuit et jour à la réputation de l’homme qu’ils ont renversé. »


18 septembre.

« Je me porte bien et continue à travailler. Cher ami, il faut que je pense au désir que j’ai de te plaire, en faisant mon devoir, pour surmonter mon dégoût. — J’ai reçu de Turin une lettre qui m’a fait du bien ; j’en attends avec impatience de Villa Santa-Rosa. Je les appel-