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REVUE DES DEUX MONDES.

« Je suis donc une autorité légitimement constituée, et il est de mon devoir, dans les terribles circonstances où se trouve la patrie, de faire entendre à mes compagnons d’armes la voix d’un sujet affectionné à son roi et d’un loyal Piémontais.

« Le prince régent a abandonné la capitale la nuit du 21 au 22 de ce mois, sans en prévenir la junte nationale ni ses propres ministres.

« Qu’aucun Piémontais n’accuse les intentions d’un prince dont le cœur libéral, dont le dévouement à la cause italienne ont été jusqu’ici l’espoir de tous les gens de bien. Un petit nombre d’hommes, déserteurs de la patrie et serviteurs de l’Autriche, ont sans doute trompé, par un odieux tissu de mensonges, un jeune prince qui n’a point l’expérience des temps orageux.

« Une déclaration, signée par le roi Charles-Félix, a paru en Piémont ; mais un roi piémontais au milieu des Autrichiens, nos inévitables ennemis, est un roi captif : rien de ce qu’il dit ne peut ni ne doit être regardé comme venant de lui. Qu’il nous parle sur un sol libre, et nous lui prouverons alors que nous sommes ses enfans.

« Soldats piémontais, gardes nationales, voulez-vous la guerre civile ? voulez-vous l’invasion des étrangers, la dévastation de vos campagnes, l’incendie, le pillage de vos villes et de vos villages ? Voulez-vous perdre votre gloire, souiller vos enseignes ? Continuez. Que des Piémontais armés se lèvent contre des Piémontais armés ? que des poitrines de frères heurtent des poitrines de frères ?

« Commandans des corps, officiers, sous-officiers et soldats, il n’y a plus qu’un moyen de salut : ralliez-vous à vos drapeaux, entourez-les, saisissez-les, et courez les planter sur les rives du Tésin et du Pô. Le pays des Lombards vous attend, ce territoire qui dévorera ses ennemis à l’aspect de votre avant-garde. Malheur à celui que des opinions différentes sur les institutions de son pays éloigneraient de cette résolution nécessaire ! il ne mériterait point de conduire des soldats piémontais, ni l’honneur d’en porter le nom.

« Compagnons d’armes, cette époque est européenne. Nous ne sommes point abandonnés : la France aussi soulève sa tête trop humiliée sous le joug du cabinet autrichien, elle va nous tendre une main puissante.

« Soldats et gardes nationales, des circonstances extraordinaires exigent des résolutions extraordinaires. Si vous hésitez, plus de patrie, plus d’honneur, tout est perdu. Pensez-y, et faites votre devoir, la junte et les ministres feront le leur. Votre énergique main rendra