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siècle ; déjà néanmoins on prévoyait sous quels auspices la civilisation, l’industrie et le travail s’introduiraient dans le Texas, et par quelle race d’hommes serait fécondé ce champ que l’Espagne avait dédaigné de cultiver. On comprend que je veux parler des États-Unis et de la race anglo-américaine. En effet, les conséquences de leur voisinage ne devaient pas tarder à se développer, et les évènemens politiques de l’Europe, qui ont toujours exercé une grande influence sur les destinées du Nouveau-Monde, devaient accélérer la marche d’une révolution pressentie dès-lors comme infaillible.

Après avoir puissamment contribué au triomphe des Anglo-Américains et à la création des États-Unis comme république indépendante, l’ancien gouvernement de la France, presque effrayé de la rapidité de leurs progrès, ne désirait plus les voir s’étendre au-delà des limites de 1783, et s’applaudissait que l’Espagne fût en possession de tout le littoral du golfe du Mexique. Mais quand le premier consul, voulant opposer les États-Unis à l’Angleterre, leur eut cédé la Louisiane, dans l’intention systématique de les agrandir et de les fortifier, le cabinet de Washington dut concevoir aussitôt la pensée d’enlever la Floride à l’Espagne affaiblie, et de pousser le plus loin possible à l’ouest les frontières de sa nouvelle acquisition. Quelques esprits aventureux, et entre autres le trop célèbre Aaron Burr, exagérant les idées de leur gouvernement, conçurent même pour leur propre compte le projet d’envahir et de révolutionner le Mexique. Cette fois la théorie devançait la pratique de trop loin ; mais les circonstances favorisèrent jusqu’à un certain point la politique envahissante des États-Unis. L’Espagne, épuisée par la guerre de l’indépendance, incapable de soumettre par la force ses colonies révoltées, trop aveuglée par l’orgueil pour comprendre la nécessité de transiger avec elles, abandonna la Floride en 1819 à la confédération anglo-américaine. Le même traité fixait les limites de la Louisiane plus à droite du Mississipi que ne l’eût désiré la cour de Madrid, mais confirmait au moins les droits de l’Espagne sur la presque totalité de la province du Texas.

À cette époque, les citoyens des États-Unis n’avaient pas encore pénétré au-delà de la Sabine et de la rivière Rouge, sur un territoire dont la législation coloniale de l’Espagne interdisait l’accès aux étrangers. C’était à peine si quelques aventuriers intrépides, moitié chasseurs et moitié marchands, s’étaient glissés parmi les sauvages, au milieu desquels ils vivaient dispersés. Mais dans tous les états de l’ouest et du sud on savait combien le Texas présenterait de res-