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colons espagnols du Texas, ne sont plus très nombreux. Ils peuvent encore détruire çà et là quelques fermes, assassiner quelques voyageurs ; mais leurs faibles restes ne sauraient inquiéter sérieusement les colons, et se replient sans cesse devant la population blanche, qui envahit leurs derniers domaines. Plusieurs tribus n’existent plus que de nom, et les peaux rouges du Texas, qu’il ne faut pas confondre avec les indigènes du Mexique, disparaissent aussi vite que celles des États-Unis. On voit souvent dans les rues d’Houston de misérables indiens de la tribu autrefois puissante des Cushattes, qui s’étendait jusqu’à la Louisiane. Ils sont petits, et plutôt bronzés que rougeâtres. L’eau-de-vie, qu’ils se procurent en échange des produits de leur chasse, les dévore et les abrutit. Une autre tribu des bords du Rio-Grande, les Lappans ou Lipans, ayant envoyé une députation au président de la république, j’ai pu comparer ces deux peuplades. Cette dernière est d’une taille plus élevée ; elle a la peau plus rouge, le maintien plus noble, la physionomie plus fière. On reçut les Lappans avec beaucoup d’égards, et ils dînèrent avec les officiers du gouvernement, qui leur firent un discours contre les Mexicains, si bien que plusieurs Indiens qui savaient un peu d’espagnol crièrent avec eux : Muerte a los Mejicanos ! Du reste, ces sauvages ne s’enivrèrent point ; on leur offrit en vain du rhum, du whisky et de l’eau-de-vie ; ils suivirent presque tous l’exemple de leur impassible chef, Castro, qui ne but constamment que de l’eau et du café. Pendant que je me trouvais à San-Felipe de Austin, on y annonça l’arrivée d’une centaine d’Indiens Comanches, qui allaient aussi faire leur traité de paix à Houston. Ils montaient de petits chevaux sauvages qu’on appelle mustangs, et formaient avec leurs femmes et leurs enfans une grande caravane. C’était un officier texien qui leur servait de guide. La tribu des Comanches est restée puissante ; on la redoute encore au Texas, où les traditions espagnoles lui ont fait une trop juste réputation de courage et de férocité. Ces Indiens s’arrêtèrent à la droite et un peu au-dessous de la ville, sur le bord du fleuve. Chacun d’eux rendit la liberté à sa monture et la lança dans la prairie : pour toute précaution, un long lacet de cuir pendant avait été attaché au cou des plus indomptables de ces animaux. Les hommes prirent leur pipe et se mirent à fumer gravement, sans presque jeter un coup d’œil sur la ville, et en observant ce rigoureux silence qui est le trait caractéristique de l’indien. À peine descendues de cheval, les femmes coururent au bord du fleuve, couper des branches d’arbres qui, plantées en terre, entrelacées et recouvertes de peaux de