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REVUE. — CHRONIQUE.

(aussi secrétaire de l’Académie de médecine), que M. Lemercier avait trouvé moyen de mettre en avant autrefois. Ce ne sont donc là que des intrigues assez minimes contre M. Hugo. La seule chose à craindre, c’est qu’à un dernier tour de scrutin les partisans battus de M. Bonjour ne se rejettent sur M. Flourens, sur le candidat que prône M. Delavigne, dans l’intérêt des sciences physiques et pour le plus grand bien de la poésie sans doute. Quant à l’honorable M. Viennet, il est, assure-t-on, dans la plus grande perplexité, et, par haine de M. Flourens (lequel lui avait succédé à la chambre des députes), il finira peut-être par voter pour M. Hugo. Dites maintenant que la politique est toujours déplacée à l’Institut !

Quoi qu’il en arrive, M. Victor Hugo est appuyé par les membres les plus éminens de l’Académie, sans acception de parti littéraire. M. de Châteaubriand et M. Thiers, M. Nodier et M. de Lamartine, M. Cousin et M. Mignet, sont cette fois ses patrons avoués. Sur ce terrain, M. Villemain est même d’accord avec M. de Salvandy. M. Dupin, à son tour, met de côté ses répugnances classiques, et M. de Pongerville aussi soutient M. Hugo avec une spirituelle vivacité contre les épigrammes de quelques-uns de ses confrères. Il faut donc espérer, malgré le départ de M. Guizot, malgré l’absence de M. Guiraud et de M. Soumet, malgré l’inopportune et un peu vaniteuse complaisance de M. Flourens, que l’élection de M. Hugo est assurée ; elle a d’avance la sanction de l’opinion.

Le fauteuil de M. l’archevêque de Paris est bien moins disputé que celui de M. Michaud. L’Académie et les candidats ont compris que les convenances semblaient interdire en cette occasion les tracasseries trop littéraires. M. le comte Molé s’acquittera aussi bien que personne du difficile éloge de M. de Quélen, et on est sûr de dire vrai en ajoutant qu’il tiendra mieux encore sa place à l’Institut par son talent si distingué que par le seul éclat de son nom, comme voudraient l’insinuer les rares partisans de M. Aimé-Martin. M. de Lamartine appuie à peu près solitairement M. Aimé-Martin. C’est là une réponse sans réplique à ceux qui voient un caractère politique dans le choix de M. Molé. Il s’agit si peu de politique, que M. Villemain donnera sans doute sa voix à l’ancien président du 15 avril. Cela serait de bon goût, cela serait spirituel ; cela réparerait un peu les aigreurs de la coalition, et M. Villemain a trop d’esprit, trop de tact, pour ne pas se joindre en cette circonstance à M. Dupin et à M. Thiers.


M. Donizetti et Mlle Borghèse ont fait ensemble, mardi dernier, leurs débuts sur la scène de l’Opéra-Comique. L’inspiration, toujours si gracieuse, de l’auteur de la Lucia s’est prêtée, avec une admirable souplesse, aux exigences un peu soldatesques du sujet qu’il avait à traiter ; il a fallu, à la place de ces douces cavatines et de ces duos dont la mélodie plaintive et tendre fait le plus grand charme, mettre des refrains guerriers et des chansons à boire, débarrasser sa muse des longs voiles blancs qui la tenaient si chastement enveloppée,