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REVUE. — CHRONIQUE.

— Le dernier numéro de la Revue contenait un article, sévère peut-être, mais certainement mesuré, sur la comédie de l’École du Monde ; huit jours après, le Messager, qui appartient, dit-on, à l’auteur de cette comédie, ouvrait une série d’attaques directes et même de dénonciations formelles contre M. Buloz, commissaire du roi auprès du Théâtre-Français, et lui reprochait, d’un air méprisant, ses titres mêmes à la fondation de cette Revue. Le rapprochement des dates est fâcheux, ou du moins le serait en un temps où l’on ferait encore quelque attention à ce qu’on appelle bon goût. Quoi qu’il en soit, la presse a de certaines lois et coutumes qui sont assez généralement observées entre ceux de ses organes qui comptent pour quelque chose, et le Messager nous paraît ne pas s’en être douté. Plus le régime de la presse est libre et ouvre un vaste champ à toutes les haines, à toutes les injures, et plus il est du devoir de tous ceux qui veulent s’en servir à bonne et longue fin, d’apporter envers les adversaires, et ne serait-ce que par égard pour soi-même, une certaine modération de ton dont rien ne saurait dispenser. Les vétérans de la presse le savent ; les gens du monde qui s’y trouvent jetés à l’improviste, courent grand risque de sortir de leur rôle et de se laisser surprendre à tout ce qui ne manque pas de les assiéger, Nous n’avons pas à discuter ici la question soulevée par le Messager, en ce qui concerne l’administration et l’organisation même du Théâtre-Français. Mais l’espèce de dédain affiché pour la capacité personnelle et la compétence de jugement de M. le commissaire royal est vraiment plaisante : faut-il donc avoir écrit de médiocres feuilletons ou de fades comédies, pour obtenir de les juger ? On prouve déjà son droit à les rejeter par ce bon sens qui a empêché de les commettre. La Revue des Deux Mondes, tant reprochée à M. Buloz, demeure son titre, comme, dans sa lettre au Journal des Débats du 10 de ce mois, il l’a très bien revendiqué. Fonder, à une époque de dissolution et de charlatanisme, une entreprise littéraire, élevée, consciencieuse, durable, unir la plupart des talens solides ou brillans, résister aux médiocrités conjurées, à leurs insinuations, à leurs menaces, à leurs grosses vengeances, paraître s’en apercevoir le moins possible, et redoubler d’efforts vers le mieux, c’est là un rôle que les entrepreneurs de la Revue (pour parler le langage du Messager) doivent s’honorer d’avoir conçu, et où il ne leur reste qu’à s’affermir.


— C’est jeudi prochain que l’Académie-Française procède à une double élection pour le remplacement de M. Michaud et de M. de Quélen. La curiosité est très éveillée, et demeurera attentive au résultat ; c’est donc pour l’Académie une occasion, qu’elle ne doit pas laisser échapper, de répondre au vœu très manifeste du public, et d’accepter avec franchise les noms que lui indique la sympathie générale. Le fauteuil de M. de Quélen paraît destiné avec toutes sortes de convenance à M. Molé ; celui de M. Michaud revient de droit à M. Victor Hugo. M. Hugo l’obtiendra, nous l’espérons ; mais, si, par impossible, les petites intrigues l’emportaient, l’Académie seule aurait à en souffrir devant l’opinion.