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une ville considérable, bien que de chétive apparence. Les rues en sont étroites et tortueuses à l’excès ; toutes les maisons sont construites en terre détrempée mêlée avec de la paille hachée, à toits plats, avec un ou plusieurs ventilateurs faits d’une espèce d’osier et servant à la fois de manche à vent et d’abat-jour ; aucun édifice de quelque importance n’attire les regards. Les maisons, dont les plus élevées sont toutes au centre de la ville, diminuent graduellement de dimensions du centre à la circonférence, dont un mur épais en terre défendait autrefois les approches. Il ne reste que des portions de cette enceinte. Quoique Karatchi fût depuis long-temps l’entrepôt commercial du Sindh, ni le gouvernement des Amirs, ni l’administration locale n’avaient pris aucune mesure pour faciliter l’arrivage et le débarquement des marchandises par l’établissement d’un quai, le creusement, l’élargissement du canal naturel qui conduit du port à la ville, c’est-à-dire à plusieurs milles dans l’intérieur, en sorte que le transport s’effectue moitié en bateaux plats qu’on hale avec peine au travers d’une eau vaseuse, moitié à l’aide d’hommes qui portent leur charge sur la tête. Le bazar est grand ; quelques-unes de ses rues sont complètement abritées du soleil par des nattes étendues d’un toit au toit opposé. Là se presse une population bigarrée, qui présente peu de traits intéressans pour le voyageur. On y remarque toutefois quelques Hindous du Moultân, qui sont les seuls commerçans et les seuls hommes d’affaires du pays, et qui se distinguent par la propreté de leur mise et leur air de prospérité, On rencontre aussi des soldats Beloutchis, si de pareils brigands peuvent mériter le nom de soldats, dont le costume pittoresque et la physionomie sauvage attirent les regards. Les Beloutchis sont des hommes d’une assez forte stature et dont l’apparence indique la vigueur et les habitudes martiales. Ils sont armés jusques aux dents. Ils laissent souvent croître leurs cheveux par derrière, contrairement à la coutume ordinaire des mahométans. Leur barbe touffue, le bonnet de forme étrange et de couleurs variées dont ils se coiffent, leur nez aquilin, leurs yeux petits, mais vifs, l’expression sournoise et même farouche de leur regard, tout concourt à les faire reconnaître comme une race à part et comme les dominateurs du pays. Les Beloutchis, formaient, disait-on, la principale force des Amirs. On supposait que ces princes entretenaient sur pied un corps d’environ 20,000 hommes, de cette milice indisciplinée, infanterie et cavalerie. Par les stipulations du dernier traité, cette armée a dû être entièrement licenciée et remplacée par un corps de troupes anglaises de 5,000 hommes,