Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/563

Cette page a été validée par deux contributeurs.
559
L’INDUS. — LE SINDH.

droits perçus à Vikkar par les Amirs s’élevaient, année commune, à environ 250,000 fr.

Karatchi a plus d’importance dans le présent et dans l’avenir, et il nous paraît nécessaire de faire connaître plus particulièrement ce point intéressant dont les Anglais ont pris définitivement possession depuis près d’un an.

L’occupation de la ville de Karatchi et de son petit fort par une division de l’armée anglaise, le 2 février de l’année dernière, avait accéléré, on le sait, la soumission des Amirs de Sindh. Ayant des communications sûres et promptes par la voie de terre avec Tatta, avec la mer et les côtes de l’Hindoustan par sa baie d’un accès facile, Karatchi, le seul port véritable sur toute la côte du Sindh, était destiné à devenir de bonne heure le centre d’un commerce de transit soit entre le golfe Persique et celui de Kutch, soit entre l’Hindoustan et l’Afghanistan. Karatchi est situé presque sous le 25e degré de latitude nord et par 65° environ de longitude est, et conséquemment à l’ouest des principales embouchures de l’Indus, entre le cap Monze et l’embouchure Phitti du Baggaur (branche occidentale du petit Delta), à cinq heures de marche de cette embouchure[1]. Le petit fort de Manhara ou Manora, qui garde l’entrée du port, est bâti sur une éminence pittoresque. Les Amirs le regardaient comme imprenable. Quand sir J. Maitland (l’ancien commandant du Bellérophon), arriva devant Karatchi, Manhara n’était défendu que par vingt hommes et sept pièces de canon. La garnison s’attendait à être renforcée dans la soirée du 2 février, et avait repoussé les offres de capitulation honorable qui avaient été faites par l’amiral dans la matinée. Une cinquantaine de coups de canon avait, avant l’heure de l’après-midi, démoli le fort en partie et mis en fuite la garnison, qui espérait pouvoir se réfugier à Karatchi, mais que les troupes déjà débarquées firent prisonnière, et la ville, sommée le soir même, était occupée par les Anglais dès le lendemain. Karatchi est

  1. Alexandre avait reconnu lui-même cette portion du Delta avant d’arrêter le départ de sa flotte pour le golfe Persique. Suivant le récit d’Arrien, Néarque, à sa sortie de l’Indus, par cette même embouchure peut-être, très certainement par l’une des embouchures du Baggaur, longea la côte des Arabites, ayant à sa droite le mont Irus, et jeta l’ancre près d’une île sablonneuse appelée Crocala. Les environs de l’embouchure Phitti sont encore aujourd’hui appelés par les natifs Krokala. On voit encore le long de la côte des îles sablonneuses semblables à celle dont parle Arrien, et l’entrée de la baie de Karatchi est fermée à l’est par trois de ces ilôts (les îles Andry), débris probables de cette même île où l’amiral macédonien s’arrêta un jour au mois de septembre, il y a 2165 ans.