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ou cinq siècles, il a pu disposer, à travers son histoire, ses lignes ingénieuses de perspective, dont plusieurs viennent déjà aboutir, avec un imprévu piquant, à des extrémités visibles de notre histoire littéraire bien connue.

J’en pourrais glaner des exemples, montrer, après lui, l’indépendance gallicane se marquant du premier jour dès saint Irénée, l’éloquence girondine bien célèbre dès avant Ausone, l’itinéraire pittoresque et mélancolique s’essayant avec Rutilius ; mais, pour mieux faire apprécier le motif profond de M. Ampère dans cette étude détaillée de la Gaule romaine, et pour le justifier, s’il en était besoin, par une large ouverture toute littéraire, je poserai en thèse que, sans avoir étudié à fond, comme il l’a fait, le IVe siècle et ses environs, on ne peut bien entendre toute une période très importante de nos derniers âges littéraires, l’époque Louis XIII. En effet, un grand nombre des vrais précédens de l’époque et du goût Louis XIII en littérature sont aux IIIe et IVe siècles de la Gaule romaine, comme les précédens naturels du goût et du genre Louis XIV sont plutôt à l’époque d’Auguste.

Il y a une raison historique et logique pour que ç’ait été ainsi. La renaissance classique du XVIe siècle avait comme supprimé le moyen-âge et remis juste ce commencement du dix-septième à la suite des grands siècles de la gloire latine. En quittant le seizième, on sortait d’une époque encore gallo-romaine véritablement ; de là, en bien des points, cette sorte de singulier rapport de récurrence. Les gens de parlement, les théologiens, les doctes, écrivaient la veille en latin ; leur style, en passant au français, était tout gorgé de latinismes. Le panégyrique de Trajan, cette grande gloire littéraire si chère aux âges de décadence, offrait au palais, pour les avocats Arnauld et Le Maître, le sublime du genre démonstratif, tout comme pour les rhéteurs gaulois, Pacatus, Eumène ou Nazaire ; dans les harangues de présentation au parlement, on ne s’attachait à rien tant qu’à reproduire emphatiquement ce modèle oratoire. M. Ampère a très bien rapproché les louanges sans mesure prodiguées par Ausone aux vers de saint Paulin, et les ridicules complimens que Balzac adresse au père Josset : « Oserai-je, écrivait Balzac, hasarder une pensée qui vient de me tomber dans l’esprit ? Vous chantez si hautement les triomphes de l’église et les fêtes de l’état, la mort des martyrs et la naissance des princes, qu’il semble que vos vers ajoutent de la gloire à celle du ciel et des ornemens à ceux du Louvre ; les saints semblent recevoir de vous une nouvelle félicité, et M. le dauphin une seconde noblesse. » Une étude particulière sur Balzac démontrerait à fond cette identité de