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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

qui précèdent le XIIe siècle[1] ; dans le moment actuel de son enseignement oral, il en est arrivé au XVIe.

L’influence de tels travaux, il faut tout d’abord le reconnaître, est bien antérieure d’ordinaire à la publication qui s’en fait sous forme de livres ; et, pour ce qui est de M. Ampère en particulier, voilà sept années au moins que cette influence existe, qu’elle féconde les directions des jeunes esprits laborieux, qu’elle stimule, qu’elle éclaire les travaux collatéraux des autres critiques, qu’elle réagit même sur les talens des maîtres plus mûrs pour les avertir à quelques égards d’un certain progrès nouveau. Mais ce que savaient les auditeurs assidus, les témoins et les juges les plus rapprochés de l’enseignement de M. Ampère, le gros du public sérieux s’en peut faire une idée aujourd’hui par les excellens volumes qui divulguent, aux yeux de tous, les fruits de sa méthode et de ses recherches ; une entreprise, ainsi produite, fonde à l’instant ou confirme un nom.

On ne s’étonnera donc pas qu’à propos du livre, et pour le mieux expliquer à notre gré, nous parlions aussi de l’homme même, des origines et des accroissemens intérieurs de cet esprit si original et si vif. Derrière le livre et avant lui, il y a dans M. Ampère un personnage littéraire très caractérisé, un maître très à part en critique, et, pour ainsi dire, une méthode en action. Au milieu de tant d’influences à fracas et de méthodes plutôt subversives, il nous paraît bon d’insister sur une manière neuve et sobre, ingénieuse et judicieuse, fertile en vues, vérifiable toujours, qui, entre mille avantages, a ses imperfections et quelques défauts sans doute, mais aucun de ceux qui égarent. — Il ne nous restera, tout cela démontré, qu’à supplier l’amitié elle-même de nous pardonner d’avoir pu être si analyseur à son égard, et d’avoir tant osé distinguer ici et là. Plus heureux ceux qui se contentent de profiter, de reconnaître et de jouir !

Fils d’un père illustre, nourri au foyer le plus central des sciences, M. Jean-Jacques Ampère, qui les goûtait dès l’abord et les entendait avec cette native curiosité avide du savoir universel, se déclara toutefois d’une préférence irrésistible pour les lettres. Il ne fesait en cela que choisir encore dans les diverses parts, et, pour ainsi dire, les diverses muses de l’héritage paternel. Mais ce qui, chez son père, n’avait été qu’une distraction de jeunesse et un goût délassant,

  1. Histoire littéraire de la France avant le douzième siècle, chez Hachette, rue Pierre Sarrasin, 12. — Les deux premiers volumes ont paru depuis quelques mois ; le troisième, qui complète cette introduction, doit être mis en vente dans quelques jours.