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La courte période de la poésie génoise peut être divisée en deux époques. Foglietta, Zabatta, Dortona, Villa, Spinola, Casero, appartiennent à la première ; Cavalli remplit seul la seconde. Les poètes de la première époque sont brillans, pleins de similitudes hasardées ; ils comparent leur belle au marbre, à la neige, au gazouillement du serin, aux éclairs qui embrasent le ciel, au vent qui agite les arbres, aux étoiles, à la mer, etc. On dirait qu’ils veulent imiter ces architectes de leurs églises qui ont cherché à produire avec le marbre les effets de la tapisserie. Cavalli est plus pur et plus élégant. Voici quelques-unes de ses strophes : « Ver luisant, étoile chérie, petite et brillante, où vas-tu ? Pourquoi si étincelante ? Est-ce de colère, est-ce d’amour ? Ce rayon de lumière est-il le guide qui t’éclaire dans tes voyages, ou le signal qui appelle ton amie ? Est-ce du feu ou quelque chose qui y ressemble ? Non, ce n’est pas du feu ; tu ne brûles pas, tu voles, tu nages dans l’air, tu crois être dans le ciel. Oh ! bienheureux que tu es ! Et moi, je meurs d’amour, je brûle toujours et sans espoir. Ver luisant, arrête, donne-moi une étincelle de ton feu, il pourra luire sans me tuer, il pourra se montrer aux yeux de la belle qui cause mon malheur et ne veut pas me croire. »

Le dialecte de Rome se rapproche beaucoup de l’italien, par conséquent il compte très peu de poètes : ses meilleurs écrivains sont Perresio et Bernieri, qui florissaient au XVIIe siècle. Des descriptions de fêtes populaires, des récits de querelles, de rixes, de combats, tels sont les sujets que traitent ces deux poètes. Ou trouve dans leurs vers une férocité toute romaine, une couleur locale à laquelle on ne saurait se méprendre ; à ces coups de couteau donnés et rendus sans mot dire, on s’aperçoit qu’on est au milieu de l’Italie ; c’est une poésie joyeuse, mais grossière et tachée de sang. Perresio a chanté la fête de Mai en faisant intervenir la féerie au milieu des jeux et des querelles populaires ; les descriptions de ce poème sont vives et hardies ; toute la plèbe romaine y est mise en scène avec ses mœurs et son irascibilité barbare. Bernieri a publié le Meo Patacca, poème qui se rattache indirectement à la délivrance de Vienne assiégée par les Turcs. Meo Patacca, le héros de Bernieri, est le bravo de

    battre mon opinion. Je dois dire cependant que ces critiques, qui, je puis le prouver, ne reposent sur aucun fondement solide, n’attaquent mes travaux que dans leur partie la plus superficielle. Je n’ai pas songé, en effet, à faire de la philologie ; les faits que j’ai cités sont connus de tous les Italiens. Ces faits se trouvent dans les trente-six volumes des poètes napolitains, dans les douze volumes des poètes milanais, dans cinquante volumes à peu près de poètes vénitiens. Il y a des recueils des poésies de Gênes, de Bologne, de Padoue, de la Sicile. Partout, en Italie, le voyageur peut recueillir des chansons populaires et entendre parler en patois. Ceux qui proclament d’ailleurs l’importance des faits ne doivent pas oublier que les faits n’ont par eux-mêmes aucune valeur. En veut-on la preuve ? Tous les soirs on jouait la Comedia dell’Arte ; à chaque instant on imprimait des poésies en patois ; les faits étaient là. Tiraboschi, Crescimbeni, Gamba, les connaissaient mieux que moi ; mais ils ne les ont pas compris, et cela devait être, car l’histoire est privée de sens pour celui qui recueille les faits sans les rattacher à des principes.