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gent à se défendre, à se fortifier ; ils se bâtissent une ville. C’est là une origine très peu flatteuse pour la ville de Gragnano. Les féeries de Basile, les transformations de Villani, font leur dernière apparition dans le poème de Lombardi. — Valentino, Pagano, et plusieurs autres font des parodies de Virgile, des traductions de Phèdre et de Metastasio, quelques satires contre le luxe, les sigisbées, les modes ; la poésie s’essaie sur les nouveaux ridicules du siècle, mais elle ne va pas au-delà de la simple épigramme. Paralysée par l’influence italienne, elle s’alourdit, elle perd ses héros, ses caricatures ; l’élan de l’époque de Masaniello s’évanouit, et tandis que la littérature nationale se relève, la littérature napolitaine finit avec l’apologue des ânes. Galliani, en bon Napolitain, se plaignait de la décadence de son patois ; il écrivait une brochure où il regrettait le beau siècle de Cortese, et où il déplorait les empiétemens de la langue italienne. Cette brochure, réfutée par un anonyme, est la dernière et la seule réaction du langage napolitain.

Les Napolitains ont donné deux personnages à la comedia dell’arte, le Polichinelle, qui descend directement de Maccus et sort des Atellanes des anciens, et le Capitaine, toujours botté, cuirassé, ne parlant que batailles et fuyant devant l’ombre d’un danger. Polichinelle a été invariable au milieu de toutes les révolutions du monde ancien et moderne ; le capitaine a changé trois fois. D’abord il était le type de l’aventurier italien ; il racontait qu’il avait défait des armées, déjoué les nécromans et tué la Mort en personne ; il se disait très riche, et il n’avait pas seulement de chemise sous son énorme cuirasse. À l’époque de la domination espagnole, le capitaine devint tout naturellement Espagnol ; il parla le castillan, prit le nom de Matamoro, Fuego, Muerte, fut un peu moins peureux, mais plus méchant. Vers la fin du XVIIe siècle, les aventuriers disparurent avec les aventures, et le capitaine, ne pouvant plus se couvrir de lauriers, prit l’habit bourgeois, se métamorphosa en Scaramouche et devint comte ou marquis d’une foule de châteaux imaginaires. — Le répertoire du théâtre napolitain est considérable ; le célèbre physiologiste Porta a laissé des comédies ; Bruno, le grand philosophe, a écrit une pièce. Nous avons feuilleté plusieurs de ces productions, il est impossible d’en rendre compte en général, elles sont pitoyables, et, quoiqu’il y ait encore un théâtre napolitain, peut-être le seul en Italie où l’on improvise en patois, jamais aucune des pièces de ce théâtre n’a pu survivre à l’improvisation.


La poésie milanaise, née au déclin de la littérature italienne, est de date aussi récente que la poésie napolitaine. Quelques vers de Lomazzo, des sonnets d’un musico de la cathédrale, voilà les plus anciennes productions que nous offrent les recueils de Milan. Lomazzo était peintre : devenu aveugle, il publia plusieurs volumes de vers ; mais ses poésies milanaises sont peu nombreuses, car il écrivit presque toujours en italien ou en langue rustique. À cette époque, la littérature populaire de la Lombardie se réfugiait dans les campagnes ; la ville était sous l’influence des traditions italiennes. Beltram, le type de cette ancienne poésie rustique, était un paysan gauche et maladroit ; on le faisait venir de