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REVUE LITTÉRAIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

même dans les Amis de Fontainebleau, dernier reste du genre historique, aujourd’hui si négligé. Mais il faut le dire, toutes ces créations de femmes, délassemens d’un loisir que la vie anglaise leur rend pénible, manquent d’originale puissance. Il n’y a pas de George Sand en Angleterre. La corolle éclatante et parfumée d’une seule rose reine sur sa tige effacerait toutes ces pâles et blanches roses que la brise balance avec mollesse et qui lui abandonnent un faible et doux encens. C’est Mme Gore qui, pour l’esprit et la finesse de l’observation, l’emporte, selon nous, sur ses rivales. Le Cabinet Minister est rempli de détails comiques et hardis ; le Courtisan de Charles II offre une bonne peinture de l’époque. Elle excelle, en général, à dessiner un caractère, à le nuancer, et à faire saillir ses ridicules sans les outrer. Les souvenirs de la cour de George III et de l’ère brillante qui vit paraître et lutter sur le même théâtre Sheridan, Burke, Fox et Pitt, ont fourni à Mme Gore des romans d’autant plus remarquables qu’ils sont peu romanesques.

Une véritable conquête pour l’histoire du XVIIIe siècle en Angleterre, ce sont les Lettres posthumes de lord Chatham, récemment publiées. Elles prouvent d’une manière éclatante la fausseté de cette parole vulgaire, « qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre. » Certes, la grandeur théâtrale et fausse, le charlatanisme, l’héroïsme de l’acteur, la pose fanfaronne, l’air matamore, l’apparence du dévouement ou du génie, disparaissent et s’effacent aux yeux des intimes ; mais il y a, croyez-moi, des générosités réelles et des puissances d’ame ou d’esprit qui gagnent à être vues de près. Les lettres dont je parle rehaussent beaucoup lord Chatham, qu’elles montrent en déshabillé. Elles suivent dans les particularités les plus vulgaires de sa vie cet homme plein de simplicité et de patriotisme, de sentimens élevés qui se traduisent en actions, et d’orgueil souvent blessant pour les autres, mais toujours noble et désintéressé. Les annales de la politique anglaise au XVIIIe siècle attendaient cet ouvrage important.

Nous ne parlons pas d’un capitaine Meadows-Toylor, qui a cru pouvoir transformer en roman la vie d’un étrangleur indien, ou thug. Les Confessions d’un Thug nous reviendront sans doute quelque jour, non pas traduites, mais mutilées, selon la mode actuelle de la traduction française. L’usage que nous faisons aujourd’hui des littératures étrangères est d’une singularité trop bizarre et trop inconnue de la plupart des lecteurs pour que nous ne la signalions pas ici. Il y a des découpeurs de livres étrangers qui les dépècent, les mêl-