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REVUE. — CHRONIQUE.

Aujourd’hui, que reste-t-il de la discussion de l’adresse ? Rien, que le souvenir de quelques beaux discours. M. Barrot, M. Villemain, M. de Lamartine, M. Thiers, M. Rémusat, ne sont pas oubliés. Mais comme fait politique, comme moyen d’influence et de gouvernement, que reste-t-il de l’adresse ? qu’en reste-t-il au ministère ? À peu près rien. La lutte n’ayant pas été sérieuse, elle ne pouvait laisser que des impressions fugitives. Quand la question de cabinet n’a pas été posée, l’adresse, quelle qu’elle soit, ne peut ni renverser le ministère tout à coup, ni lui donner sur la chambre une influence durable. La discussion de l’adresse rentre alors dans la catégorie des faits ordinaires, de ces faits que le règlement impose aux chambres, et qui n’ont presque pas de signification politique. Dans le cas particulier, on ne pouvait lui en donner une qu’en essayant de s’en faire un moyen, en prenant l’initiative franchement, hardiment, pour arriver à une réorganisation du cabinet, en donnant à l’adresse une interprétation tant soit peu forcée, en lui faisant dire un peu plus qu’elle n’avait dit, pas trop toutefois, car il ne faut pas abuser, même des interprétations ingénieuses. « La majorité, une grande majorité est prête à nous accepter, à nous prendre comme le noyau d’une administration forte et compacte ; elle nous demande seulement de ne pas rester tels que nous sommes, tels que nous-mêmes nous n’avons jamais cru pouvoir rester ; elle nous fait sentir la nécessité de réaliser une pensée qui est la pensée de tout le monde, qui a toujours été celle de la majorité du cabinet. C’est à ce prix, mais à ce prix seulement, qu’on pourra éviter une véritable crise ministérielle, une crise qui serait à la fois dangereuse et ridicule, dangereuse par l’immense responsabilité qu’imposent dans ce moment les affaires du pays, ridicule aux yeux de l’étranger par le contraste qui s’établirait entre la gravité des circonstances et l’impuissance d’un cabinet tombé en dissolution. Si l’occasion n’est pas saisie au vol, le ministère ne tardera pas à déchoir dans la chambre, il s’affaissera tous les jours de plus en plus, il perdra tout principe de force et de cohésion, et, ne pouvant plus servir de noyau à une forte combinaison, l’administration retombera dans cet état de marasme où tout devient impossible, où les hommes les plus habiles deviennent impuissans, et cela précisément lorsque le pays aurait le plus besoin de leur force, de leur capacité et de leur influence politique. » C’est là ce que le cabinet pouvait dire ; c’est là, ce nous semble, ce qu’il devait faire et pour lui-même et pour nous ; c’est là ce qu’il n’a pas fait. Les conséquences tarderont-elles à s’en faire sentir ?

Des symptômes d’abaissement ne sont déjà que trop visibles. Quel accueil a fait la chambre à plus d’un projet, à plus d’un acte ministériel ? On dit que les bureaux de la chambre refusent à l’un de MM. les ministres la somme de 6,000 fr. ! Mieux vaudrait se faire refuser deux projets de loi. Il importe, avant tout, pour eux-mêmes et pour la France, que les hommes du pouvoir soient pris au sérieux, que nul ne puisse imaginer de jouer avec eux un jeu d’espiègleries et de malices, qui n’est bon à rien ni à personne.

C’est là une position à laquelle il faut s’empresser de mettre un terme. Aussi le bruit a couru que demain, à l’occasion d’une pétition de je ne