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PHILOSOPHIE DE KANT.

tance. Comme la matière de la connaissance n’entre dans la connaissance réelle que par la forme, de même l’objectif ne nous est connu que dans et par le subjectif : on ne prouve point le principe par l’objet auquel il s’applique ; on ne part pas de Dieu, par exemple, pour arriver au principe de causalité ; c’est au contraire le principe de causalité qui nous fait parvenir à l’idée de la cause du monde ; d’où il suit que, pour procéder logiquement, il faut partir de la pensée, de la forme, du subjectif, et non de l’objectif et de l’être. Par là se trouve changée la face de la métaphysique, et deux écoles rivales sont à la fois frappées du même coup et convaincues d’un procédé également vicieux, d’un point de départ également hypothétique. Quand on dit qu’il faut partir du monde extérieur pour arriver à l’homme, des sens pour arriver à l’intelligence, ou bien lorsque l’on pose tout d’abord l’existence de Dieu et que l’on en déduit l’homme et le monde, des deux côtés égale erreur. Ni la thèse du sensualisme, ni la thèse de la théologie ne peuvent se soutenir, car l’une et l’autre vont de la matière à la forme, de l’objet au sujet, de l’être à la pensée, de l’ontologie à la psychologie, tandis que le procédé opposé est le seul qui soit légitime. Nous proclamons hautement notre entière adhésion à ces vues simples et fécondes qui dérivent de la méthode d’observation bien entendue. Nous nous flattons qu’elles sont aujourd’hui solidement établies parmi nous, et sans nous y arrêter davantage, nous reprenons l’analyse de l’introduction.

Non seulement on peut distinguer la connaissance en matérielle et formelle, objective et subjective ; mais on peut aussi la considérer par rapport à son origine, et rechercher si toutes nos connaissances viennent ou ne viennent pas de l’expérience.

À cette question, Kant répond avec l’esprit de son siècle entier que toutes nos connaissances présupposent l’expérience. On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ? Nulle connaissance ne précède l’expérience ; toutes commencent avec elle. »

Mais Kant distingue entre commencer avec l’expérience et venir