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LA RÉPUBLIQUE D’AMALFI.

au moment de nous quitter, vous vous montrez généreux, nous serons reconnaissans[1]. » Les prétendus marchands n’eurent garde de repousser ces offres d’hospitalité. Une fois introduits au château, ils s’abouchèrent avec le camérier de Siconolfe, qui fit part à son maître du projet de délivrance que l’on avait concerté. Cette nouvelle inattendue et la perspective du passage subit de la misérable condition où il se trouvait, à un avenir de puissance et de grandeur, causèrent au jeune prince une joie si excessive, qu’il pensa s’évanouir.

Siconolfe, dans sa prison, menait toutefois une vie douce et voluptueuse. Le jour, il avait le château pour prison ; le soir, son fidèle camérier introduisait dans sa demeure une jeune esclave grecque d’une merveilleuse beauté que l’on cachait sous un long voile noir. Mais ses goûts étaient belliqueux, et cette vie molle le fatiguait.

Quand la nuit fut venue, les faux marchands firent apporter, par les gardiens du château, des mets recherchés et des vins en abondance ; tout naturellement ils les invitèrent à partager leur repas, et ils eurent soin de les faire boire copieusement. Lorsqu’il les eurent enivrés, ils les garrottèrent, s’emparèrent de leurs armes, forcèrent ensuite la prison de Siconolfe, délivrèrent le jeune prince et le conduisirent à Salerne, où ils le proclamèrent duc des Lombards. L’état de Bénévent fut dès-lors divisé entre deux compétiteurs qui se combattirent avec acharnement. Cette guerre, qui dura dix ans et fut suivie d’un partage, amena, sinon la ruine, du moins l’affaiblissement de ces voisins dangereux ; ce fut l’une des principales causes de la prospérité d’Amalfi, qui n’eut plus à redouter leurs entreprises, et qui profita même de leurs divisions pour s’agrandir.

Le changement qu’au retour de la captivité de Salerne les citoyens d’Amalfi introduisirent dans leur constitution contribua singulièrement aussi à la grandeur de leur république. Le maître des soldats de Naples ne les avait pas secourus dans leur malheur ; ils déclinèrent son patronage et se déclarèrent indépendans d’un pouvoir qui ne savait pas les protéger. La forme de gouvernement qu’ils adoptèrent fut calquée sur l’ancienne constitution de la république romaine ; ils élurent d’abord un préfet ou dictateur provisoire. Ce dictateur fut remplacé par deux consuls, ou comtes nommés annuellement par tous les citoyens. Le gouvernement consulaire dura cinquante-sept ans, de 840 à 897. Les deux premiers consuls furent Lupo et Giaquinto.

IV. — GUERRE CONTRE LES SARRAZINS. — LES DOGES SUBSTITUÉS AUX CONSULS.

Ce fut sous les premiers consuls d’Amalfi que commencèrent les longues guerres de cette ville et des Sarrasins. Tantôt ses milices délivrent Gaëte que les Africains assiégeaient, tantôt elles vont secourir le duché de Rome et le

  1. Anonym. Salern., cap. LXIX.