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suprême à une amende. À l’instant même, et sans qu’il en fit lui-même la demande, une souscription fut ouverte en sa faveur, et le produit de cette offrande volontaire dépassa de mille écus l’amende qui lui était imposée.

En 1834 parut un autre journal d’une nature plus grave, plus dogmatique, destiné à soutenir par de longues dissertations les attaques vives et rapides de la Poste de Copenhague. C’était le Faedreland (la patrie), rédigé par M. le professeur David. Au onzième numéro, cette feuille fut saisie et accusée d’avoir commis, dans un article qui paraissait cependant fort mesuré, un crime de lèse-majesté. Il y allait de la peine de mort. L’éditeur commença par se réfugier à Paris. Mais ses juges l’acquittèrent ; un arrêt administratif lui enleva seulement son emploi de professeur, et il garda son traitement, dont il ne pouvait être dépouillé que par une condamnation judiciaire.

Pendant l’absence de M. David, la Patrie fut rédigée par M. Hage, homme instruit, écrivain habile qui obtint un succès manifeste, et donna à son journal un caractère imposant. Au moment où il allait remettre cette feuille entre les mains de son ancien directeur, il écrivit un article qui produisit en Danemark une vive sensation. M. Hage avait essayé, dans cet article, de tracer un aperçu de la politique extérieure depuis la révolution de juillet. Le ministre de Russie trouva que dans cette galerie de faits et d’idées son gouvernement occupait une place peu honorable, et rédigea là-dessus une de ces notes diplomatiques qui épouvantent les petits royaumes. L’administration se hâta de faire saisir l’imprudente feuille qui avait osé jeter une ombre de désapprobation sur la marche du gouvernement russe. M. Hage demanda à être jugé, et pour forcer les magistrats à cet acte de légalité, il reproduisit mot à mot, en forme de brochure, l’article qu’il avait publié en forme de journal. Aux termes de la loi, l’administration ne pouvait plus confisquer cette brochure, la justice intervint. M. Hage fut acquitté par le tribunal de première instance, et condamné par la cour suprême à la censure à vie, c’est-à-dire que désormais il ne pouvait pas faire imprimer une seule ligne, soit littéraire, soit politique, sans l’avoir d’abord soumise à l’approbation des censeurs. Il ne supporta pas long-temps l’écrasant fardeau de cette condamnation : il mourut l’année suivante, et les regrets qui éclatèrent de toutes parts le jour où l’on apprit qu’il avait cessé de vivre, les éloges prononcés sur sa tombe, la foule qui se pressait à ses funérailles, furent pour ceux qui en auraient douté encore un témoignage éclatant de la sympathie qu’il avait excitée par ses écrits, et des progrès que la cause du libéralisme avait faits dans l’espace de quelques années en Danemark.

Le Faedreland est moins populaire que la Kiœbenhavns-Post, mais il agit sur une classe de lecteurs plus sérieux et plus éclairés, et il s’est toujours maintenu dans une ligne de conduite ferme et convenable. C’est ce qui a décidé les écrivains de l’opposition à le prendre définitivement pour organe. Il ne paraissait d’abord qu’une fois par semaine dans le format in-8o. À dater de cette année, il élargit ses ailes, et paraît chaque jour dans un grand format. MM. David et Lehmann en sont les principaux rédacteurs. Un autre journal de l’opposition s’est élevé dans les dernières années sous le titre de Frisindende