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ÉROSTRATE.[1]

(Érostrate arrive devant le temple, une torche à la main ; il fait nuit.)

Depuis trois jours, pensif et muet comme une ombre,
Au bord des flots bruyans et dans la forêt sombre,
Je promène mes pas, et cherche vainement
À calmer de mon cœur le fatal rongement.
Un invisible dieu me ramène sans cesse
Devant le monument de la froide déesse,

  1. La poésie satirique est de tous les temps ; mais on peut dire sans misanthropie qu’à notre époque elle aurait droit surtout à une large place. De plus, quand l’art veut la consacrer et lui prêter sa forme souveraine, elle acquiert un prix nouveau. C’est ce qu’a tenté M. Barbier en élevant la satire jusqu’au poème. De là Érostrate. Sous ce masque antique, l’auteur a voulu frapper la médiocrité ambitieuse que rien n’effraie, pas même le crime, quand il s’agit d’arriver à la réputation. Toutes les rêveries bizarres, systématiques, immorales, toutes les œuvres effrénées de notre temps, qui ont cherché la gloire ou plutôt le scandale à l’aide de l’exception et de la singularité, semblent stigmatisées par ce symbole frappant de l’incendiaire éphésien. — Outre Érostrate, les Nouvelles Satires contiennent une pièce étendue, intitulée Potdevin, dont le sujet se devine suffisamment. Nous prenons dans le premier de ces poèmes le tableau antique de l’incendie du temple d’Éphèse.