Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
REVUE DES DEUX MONDES.

possesseurs ; cette gloire n’appartient qu’à César[1]. C’est ainsi que Carthage et Corinthe, qui jadis avaient été détruites à la même époque, commencèrent à reprendre simultanément une vie nouvelle, et devinrent une seconde fois très florissantes. » Trois mille colons furent envoyés à Carthage ; le reste fut pris dans le pays voisin et adjoint à la colonie.

Telles furent les lois portées ou projetées par César pendant sa dictature, celles du moins qui avaient pour but l’organisation générale de l’empire. Si l’on examine leur caractère intime, on voit qu’elles se rattachent l’une à l’autre logiquement, qu’elles dérivent d’une pensée commune, l’unité.

Au reste, on se tromperait si l’on croyait que ces théories, mêlées de philanthropie et de politique, fussent des vues particulières à l’homme puissant qui les exécutait, de pures créations de son génie ; elles fermentaient dans beaucoup d’âmes ; beaucoup d’esprits, que les préjugés romains n’aveuglaient plus, les avaient pressenties, comme un remède efficace aux maux présens. De nombreux passages, pris çà et là chez les écrivains contemporains, en fourniraient au besoin la preuve ; mais on la trouve nettement établie par un document trop curieux pour que je ne m’y arrête pas quelques momens, par deux lettres, ou comme nous dirions aujourd’hui, deux pamphlets, adressés à César, l’un avant la bataille de Pharsale, l’autre après, et émanés d’un de ses plus chauds partisans. L’opinion commune les attribue à l’historien Salluste, dont ils portent le nom et reproduisent les formes de style et le talent. Pourtant y aurait-il erreur sur ce point, ce que je ne pense pas, l’erreur importerait peu, car évidemment les pièces dont je parle datent de ce temps, et évidemment encore, elles sont l’œuvre d’un personnage important, versé dans la pratique des affaires.

Encourager César dans ses projets de domination, l’éclairer sur les moyens dont il dispose ; lui bien exposer, avec la situation véritable de la république, les désirs et l’attente de son parti : tel est le but de ces deux lettres. L’écrivain politique dépeint le gouvernement romain comme un corps ruiné, qui tombe de vieillesse et menace d’entraîner l’empire avec lui. « Si, en effet, ajoute-t-il, par son état de consomption, ou par les coups du sort, cet empire venait à succomber, qui ne voit qu’aussitôt la terre entière serait livrée à la désolation, à la guerre, au carnage[2] ? » C’est au nom de la paix du monde,

  1. Dion., XLIII, 50. — Cf. Plut., in Cœs., 57. — Strab., XVII. — Pausan., II.
  2. Sallust., ad Cœs. ep., I, 12.