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DE LA POLITIQUE ROMAINE.

voit, tout d’une pièce et complet, des méditations du gouvernement romain : il dut sa formation à de longs tâtonnemens, à beaucoup d’évènemens fortuits. Quand il fut organisé, l’Italie présenta, sous la prééminence de Rome, une hiérarchie de peuples, dont les uns étaient déjà pleinement Romains, les autres allaient le devenir, ou le pouvaient, le voulaient, et s’y préparaient dans des conditions inférieures. Mais la même influence qui avait fermé jadis l’enceinte de la ville aux bandes latines ou étrusques que Rome y déportait par la main de ses rois, l’intérêt aristocratique entrava de tout son pouvoir le nouveau système d’agrandissement ; il défendit avec la même opiniâtreté les portes de cette cité immatérielle de l’égalité et du droit. Forcée de céder au mouvement qui poussait Rome hors d’elle-même, l’aristocratie défendit pied à pied son ancien terrain, n’accordant que la moindre faveur, empêchant les Latins de devenir citoyens, les Italiens de devenir Latins. Le Ve et VIe siècles de Rome sont remplis de ces luttes qui tournèrent en définitive au profit des alliés.

Dans les crises de cet enfantement laborieux, Rome atteignit la six cent vingtième année depuis sa fondation. Elle s’était élevée successivement, par des guerres toujours heureuses, à la domination d’une partie du monde : maîtresse de l’Afrique carthaginoise, de la Sicile, de l’Espagne, de la Grèce et de l’Asie mineure, elle enchaînait, par la terreur de son nom, les peuples qui n’avaient point encore éprouvé la force de ses armes. Un moment de repos suivit la ruine de Carthage, et l’Italie, occupée jusqu’alors, sous le drapeau romain, à ces guerres lointaines, put ramener ses regards sur elle-même. Les peuples latins et italiens avaient versé le plus pur de leur sang pour la cause de Rome, sur tous les champs de bataille de l’univers ; ils réclamèrent, les uns une condition meilleure, les autres l’égalité de tous les droits ; les Latins commencèrent, et furent suivis de près par les Italiens. C’était dans le présent une question vitale entre Rome et l’Italie ; dans l’avenir, une question vitale entre l’Italie et le monde ; elle se présentait alors aux comices et au sénat avec toute sa gravité. Le peuple, qui appuya les réclamations, le sénat, qui les combattit, sentaient tous deux qu’il ne s’agissait pas là seulement du sort des alliés, mais aussi de la constitution romaine. Pondérée pour quelques milliers de citoyens, comment embrasserait-elle l’Italie ? Verrait-on les routes incessamment couvertes de nations entières venant voter au Forum de tous les points de la presqu’île, ou retournant du Forum dans leurs municipes ? Par quels moyens