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L’admission d’une ville étrangère ou alliée à cette plénitude du droit de cité entraînait pour elle, en premier lieu, la renonciation à ses lois. Elle adoptait le droit civil romain, et elle s’organisait intérieurement sur le modèle de la ville de Rome, avec une assemblée du peuple, une curie représentant le sénat, et des magistrats électifs (deux ordinairement) représentant les consuls : une ville ainsi constituée prenait le nom de municipe[1]. Ses habitans jouissaient du droit de suffrage aux comices de Rome, quand ils s’y présentaient ; ils étaient aptes à toutes les magistratures de l’état[2].

Mais on vit assez fréquemment les petits peuples de l’Italie, attachés aux formes de leurs institutions domestiques, à leurs vieilles fédérations nationales, repousser la concession du droit politique romain[3], et se contenter du droit civil qui les mettait sur le pied d’égalité avec les habitans de Rome, quant aux relations d’affaires, au mariage, à l’autorité de la famille, aux garanties de la propriété, à l’inviolabilité de la personne. Rome se plia à ces calculs, d’abord par condescendance, puis par intérêt et par système, afin de ménager en la morcelant une faveur qui devenait plus précieuse de jour en jour, et fut bientôt le but suprême de toutes les ambitions. Tantôt donc elle octroya le bienfait dans toute son étendue ; tantôt elle le restreignit aux seuls droits civils qu’elle réduisait même quelquefois ou qu’elle augmentait d’une portion des droits politiques, suivant les services qu’elle voulait récompenser. Ainsi se formèrent, dans la communauté romaine, plusieurs catégories de priviléges, répondant à des situations civiles et politiques différentes, dont chacune représentait, si je puis ainsi parler, une fraction plus ou moins forte du citoyen romain.

Chaque ville municipale conservait une autorité entière sur tout ce qui concernait : 1o  l’exercice du culte et les cérémonies religieuses ; 2o  l’administration des finances locales, la construction et l’entretien des édifices publics, la célébration des fêtes, l’élection des magistrats préposés à ces divers services et à la comptabilité des revenus communaux, objets étrangers au pouvoir central ; 3o  la police intérieure.

Les citoyens des municipes avaient donc deux patries, suivant l’expression de Cicéron, l’une naturelle, et l’autre politique, l’une de

  1. Festus, V. Municipium et Municeps. A. Gell., XVI, 13. — Beaufort, Rep. rom., V, 212 et suiv.
  2. L, 18. D. de Verb. signific.Cf. Ulpian., L, 1, § I. D. ad. Municip.
  3. Tit.-Liv., XXIII, 28. — Cf., IX, 43 ; XXVI, 20 ; XXXIV, 43. — Cicer., Pro Balb., 21. — Spanh., Orb. rom. Ex., 11, 9.