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DE LA POLITIQUE ROMAINE.

n’y eût là le germe d’une révolution inévitable et profonde. Aussi, les écrivains modernes qui, se plaçant au point de vue exclusif de Rome, oublient trop de porter quelquefois leurs regards hors de Rome, n’ont point hésité à blâmer le système des concessions de droits, comme funeste à cette république, comme une des causes les plus actives de sa ruine. « La ville, dit Montesquieu, ne forma plus un tout ensemble, et, comme on n’était citoyen que par une fiction, qu’on n’avait plus les mêmes magistrats, les mêmes murailles, les mêmes dieux, les mêmes temples, les mêmes sépultures, on ne vit plus Rome des mêmes yeux[1]. » Peut-être ; mais on la vit de plus haut. Ce que l’esprit de patriotisme local perdit en énergie fut plus que compensé, dans la vie morale du peuple romain, par les sentimens nouveaux de fraternité, par l’amour du bien universel que fit jaillir, comme une source inépuisable, l’esprit de large et libérale association. Non, le jour où Rome cessa d’être un petit état dominateur pour devenir la tête d’une grande société, ne fut point un jour néfaste dans son histoire ; Rome lui dut sa puissance, sa durée, et une gloire devant laquelle toutes les nationalités s’effacent.

C’est ici le lieu d’exposer sommairement en quoi consistaient les droits du citoyen romain ; comment ils pouvaient être fractionnés et concédés partiellement ; enfin dans quelle situation se trouvaient, à l’égard de Rome, les villes ou les peuples qui en avaient reçu l’octroi en tout ou en partie.

Le citoyen romain, jouissant de la plénitude de son titre[2], réunissait deux espèces de droits, les uns privés ou civils[3], les autres politiques[4]. La loi civile réglait les formes et les effets du mariage, l’exercice de la puissance paternelle, la jouissance et la transmission de la propriété, la faculté de tester, celle d’hériter, etc. ; elle garantissait aussi la sûreté et l’inviolabilité des personnes[5]. La loi politique conférait le droit de cens et de suffrage dans l’élection des magistrats ou dans le vote des lois, ceux d’aptitude aux emplois publics, d’initiation à certains rites religieux, enfin de service militaire dans les légions[6]. La réunion de ces facultés constituait le citoyen de plein droit.

  1. Grandeur et Décadence des Romains, c. 9.
  2. Civis optimo jure.
  3. Jus Quiritium.
  4. Jus civitatis.
  5. Connubium ; patria potestas ; jus legitimi dominii, testamenti, hæreditatis, libertatis.
  6. Jus census, suffragiorum, honorum et magistratum, sacrorum et militiæ.