Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
REVUE DES DEUX MONDES.

Cependant les chefs de la compagnie, il faut leur rendre cette justice, entraient activement et sérieusement dans les détails de la réalisation. Dès le mois de mai, une expédition préparatoire, composée des navires le Tory et le Cuba, montés par le lieutenant Smith, inspecteur-général, et M. Wakefield, agent principal de la compagnie, appareillait pour la Nouvelle-Zélande. Les instructions de M. Wakefield, qui ont été livrées à la publicité, lui enjoignaient de se rendre d’abord dans le détroit de Cook et d’y choisir un lieu propice pour un établissement agricole, le port Hardy, par exemple, sur l’île Durville, ou à son défaut le port Nicholson. Ce point une fois fixé, M. Wakefield devait remonter la côte occidentale de l’île du Nord, toucher à Kaïpara et s’y faire mettre en possession des terres de la compagnie, acquises par l’intermédiaire du lieutenant Donnel. En même temps, et sur tous les points, M. Wakefield avait pour mission de reconnaître et d’acheter les meilleurs lots de territoire, prenant en considération les avantages naturels des localités, les forêts, la qualité du sol, les cours et les chutes d’eau. Son exploration achevée, il devait retourner au port Hardy et y attendre l’arrivée des premiers colons. Ces colons sort partis en effet d’Europe dans les mois d’août, septembre et octobre derniers, sur de beaux navires de cinq à six cents tonneaux et parfaitement aménagés. Cette émigration se compose principalement d’artisans et d’agriculteurs, choisis avec le plus grand soin et d’une moralité éprouvée. Tout ce qui est nécessaire à une installation durable se trouve sur ces transports, qui forment autant de petites bourgades flottantes. On en est même arrivé aujourd’hui à songer aux objets de luxe, et il se construit à Londres, aux frais de l’état, un hôtel portatif en bois de Norwége, qui pourra se monter et se démonter avec la plus grande facilité. Ce sera, dit-on, le logement du gouverneur. On n’évalue pas à moins de trois mille le nombre des émigrans qui vont chercher une patrie dans ces zônes australes. Dieu garde ces nouveaux pionniers des mécomptes si fréquens en matière de colonisations lointaines ! L’Angleterre et la France ont eu en ce genre deux expériences cruelles, celle du cacique des Poyais et celle du Guazacoalco.

La compagnie avait bien prévu qu’en marchant elle entraînait le gouvernement à sa suite, et peut-être le gouvernement ne demandait-il pas mieux que d’être entraîné. À l’heure où nous écrivons, le cabinet anglais s’est déjà bien départi de ses rigueurs, et il semble que la question n’est pas demeurée pour lui au point où le parlement l’avait laissée. En face d’un mouvement qu’il n’a pu vaincre, même