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exemples pervers n’abondaient déjà que trop sur le littoral de la Nouvelle-Zélande, séjour d’une population nomade et corrompue, école de vices, de crimes et d’infamies. Ainsi parla M. Coates, secrétaire de la société des missions épiscopales. Les délégués wesleyens en dirent autant, repoussant de toutes leurs forces l’intrusion d’élémens profanes dans la transformation religieuse du pays. Il est évident que ces raisonnemens spécieux ne servaient qu’à couvrir des vues personnelles et des jalousies transparentes : riches propriétaires du pays, les missionnaires ne pouvaient envisager d’un bon œil la concurrence imminente de grands capitalistes. Cependant leur résistance fut d’un grand poids : lord Glenelg et lord Howick, membres du cabinet, s’y associèrent. Sous ces diverses influences, le bill fut écarté ; mais il demeura constant que la principale cause de ce rejet était la crainte d’engager légèrement l’Angleterre dans une question de droit international. Lord Melbourne fit à quelque temps de là une déclaration qui résumait cette pensée et attribuait ce sens à la conduite du cabinet. Enfin, avant tous les autres, le comité de la chambre des lords, interrogé sur cette mesure, avait répondu que « l’augmentation du nombre des colonies anglaises était une question qui ne relevait que de la couronne. » Voilà des faits dont notre diplomatie doit avoir pris acte.

Ainsi la compagnie zélandaise n’avait abouti qu’à un avortement. Mais, à défaut d’un caractère officiel, elle pouvait prendre celui d’une spéculation nationale. L’attention publique avait été vivement excitée à son égard : elle était dans les conditions des choses dont l’opinion se préoccupe, c’est-à-dire certaine de réussir. On lui avait contesté sa forme, elle en revêtit une autre. Elle se fit compagnie territoriale de la Nouvelle-Zélande, au capital de 250,000 livres sterling (6,500,000 francs), divisé en 2,500 actions de cent livres sterling chaque. Elle eut pour gouverneur lord Durham, pour gouverneur délégué M. Joseph Somes, pour secrétaire M. John Ward, pour agent principal M. Wakefield. La compagnie était déjà propriétaire de plusieurs terrains acquis par la société précédente, et notamment de divers lots cédés autrefois au lieutenant Donnell sur le territoire de Kaipara. Elle se constitua ce fonds qu’elle devait compléter par des achats successifs, jusqu’à la concurrence de cent dix mille acres de terre, divisés en onze cents sections, dont cent dix étaient réservées pour les indigènes, et les neuf cent quatre-vingt-dix autres mises à la disposition des émigrans au prix d’une livre sterling l’acre. Un quart du produit des ventes de terrain devait amortir les dépenses de la