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Après Tasman, la Nouvelle-Zélande est oubliée durant cent trente années environ. Cook la retrouve et vient mouiller, en 1769, dans la baie de Taone-Roa. Comme Tasman, Cook fut dès le premier jour obligé de recourir à la force des armes. Les naturels ayant tenté d’enlever une chaloupe, on ajusta le plus hardi d’entre eux et on l’étendit raide mort. L’effet de l’arme à feu fut d’abord puissant ; mais, le jour suivant, les tentatives de vol recommencèrent. Il fallut sévir, et une nouvelle lutte s’engagea. Avec leurs massues en bois ou leurs petits casse-têtes en jade vert, les indigènes ne pouvaient tenir long-temps contre la mousqueterie. Ils cédèrent à la deuxième décharge, laissant un mort et plusieurs blessés sur le champ de bataille. Pour en finir, le capitaine fit enlever trois de ces hommes, dans l’espoir de les apprivoiser par de bons traitemens. Ils restèrent deux jours à bord de l’Endeavour, et repartirent enchantés de l’accueil qu’ils avaient reçu.

Cependant Cook, qui ne faisait rien à demi, se prit à poursuivre, dès ce premier voyage, la reconnaissance complète de ces régions inconnues. Avant tous les autres, il constata que la Nouvelle-Zélande se composait de deux grandes îles, Ika-na-Mawi et Tavaï-Pounamou, d’égale étendue à peu près et séparées par un canal étroit. Il découvrit et releva une foule de mouillages ; la baie Pauvreté, la baie Tolaga, la baie des Îles, la baie Mercure, la rivière Tamise, la baie de l’Amirauté et le canal de la Reine-Charlotte. Dans presque tous les lieux où il aborda, il fallut user de démonstrations vigoureuses afin d’assurer les relations et d’intimider les mauvais desseins. À Teahoura, dans la baie d’Hawke, devant le cap Runaway, dans la baie d’Abondance, l’artillerie et les mousquets jouèrent un rôle court, mais décisif. La baie Wangari, les îles Motou-Kowa, furent aussi le théâtre d’exécutions sanglantes. Peut-être Cook se montra-t-il un peu prompt à employer cet argument souverain et à voir des prises d’armes dans toutes les manifestations bruyantes de ces sauvages. Chez un peuple qui ne laisse rien d’impuni, et qui, sous la loi de son outou (satisfaction), exerce ses représailles n’importe dans quel temps et sur quelles personnes, cette manière d’imposer l’obéissance, si elle est irrésistible, devient quelquefois funeste. Il est à croire que plusieurs des massacres qui suivirent le passage de Cook, celui de Furneaux par exemple, furent une revanche des rigueurs du navigateur anglais, comme l’assassinat du capitaine français Marion servit d’expiation aux coupables excès de Surville.

On sait comment Cook et ses collaborateurs exécutaient leurs tra-