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AFFAIRES DE L’AFAGHANISTAN.

chies et ayant à lutter dans ses longues marches contre la fatigue, la poussière, souvent la faim et toujours la soif[1]. Comment il s’est fait que les chefs de Kandahar n’ont pas défendu les passes du Bolan, c’est ce qu’il est impossible d’expliquer, car on ne possède encore que des renseignemens incomplets sur cette partie de l’histoire de l’expédition. Peut-être l’argent a-t-il, avec sa toute-puissance ordinaire, aplani aussi cet obstacle. « Jamais armée dans l’Inde, dit un de nos correspondans, n’a été si largement pourvue de fonds pour toutes les branches du service. La patience, le courage, l’admirable discipline de nos troupes, ont surmonté bien des difficultés pendant cette marche aventureuse de trois cents lieues : l’argent a fait le reste ! » Néanmoins, au-delà du Bolan et sur le plateau de Kandahar, une résistance formidable pouvait avoir été organisée par les chefs Barekzaïs : on s’y attendait en quittant Quetta, d’où le shah, M. Macnaghten, sir John Keane et le quartier-général avec toute la cavalerie, l’artillerie et la première brigade d’infanterie, avaient marché le 6 avril sur Kandahar : quelques-uns prétendaient cependant que les Serdars enverraient leur soumission à l’approche du gros de l’armée. Toutes ces prévisions furent déçues. M. Macnaghten, dans son rapport au gouverneur-général sous la date du 24 avril, rend un compte si intéressant des évènemens qui avaient précédé l’arrivée du shah dans son ancienne capitale, que nous croyons ne pouvoir mieux faire que d’en reproduire les principaux passages.

« Dans ma dépêche du 12 de ce mois, dit M. Macnaghten, j’avais cru pouvoir annoncer qu’un laps de quelques jours suffirait pour montrer la haute considération dont sa majesté Shah-Shoudjâ-Oul-Moulk jouit parmi ses compatriotes, aussi bien que la sagesse des mesures adoptées par le gouvernement anglais et dont l’exécution nous

  1. Nos journaux ont reproduit d’après les feuilles anglaises, parmi beaucoup de données inexactes, plusieurs détails aussi vrais qu’intéressans sur la marche de l’armée et sur le passage du Bolan ; mais ils ont accueilli trop légèrement des récits évidemment entachés d’exagération, tant sur la force des troupes expéditionnaires au départ de l’Hindoustan, que sur les pertes qu’elles ont éprouvées pendant cette marche mémorable de quatre cents lieues. Comparer les accidens et les catastrophes partielles du passage du Bolan aux désastres de Moscou, c’était, en vérité, passer toute mesure. Une armée qui eût éprouvé une désorganisation pareille, se serait trouvée hors d’état de continuer la campagne. Tout montre, au contraire, que l’armée anglo-indienne n’a rencontré aucun obstacle stratégique sérieux jusqu’à Ghisni, et n’a éprouvé, vu les immenses obstacles naturels qu’elle avait à surmonter, que des pertes tout-à-fait insignifiantes en hommes, et plus fortes à la vérité, mais prévues d’avance, en bagages et en bêtes de somme. Les dépêches officielles et les correspondances sérieuses ne sauraient laisser aucun doute à cet égard.