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AFFAIRES DE L’AFAGHANISTAN.

lieu le 29, et, à dater de ce jour, pendant plus d’un mois, ce ne fut qu’échange de politesses de cadeaux, de protestations affectueuses, entre les deux grands personnages, soit à Firozepour, soit Lahore, où le gouverneur-général accompagna son royal ami peu de temps après la grande revue qui avait lieu le 3 décembre. Ainsi Randjît-Singh s’était trouvé deux fois, dans l’espace de sept ans, assis sur un même éléphant ou à la même table avec le vice-roi des Indes anglaises, passant en revue les troupes de ses alliés et faisant défiler devant eux les siennes, organisées et disciplinées par des officiers français. Toutefois cette dernière entrevue avait un caractère politique et militaire plus marqué que la rencontre de lord William Bentinck avec le souverain sikh, au mois d’octobre 1831[1].

Enfin tous ces préparatifs et ces préliminaires, indispensables à l’exécution du traité passé entre les hautes parties contractantes, étant terminés, l’armée commença sa marche le 10 décembre. Le 22 du même mois, le corps d’armée de Bombay débarquait aux bouches de l’Indus, et marchait sur Hyderabâd, en même temps qu’une expédition destinée à occuper Aden faisait voile de Bombay. Un vaisseau de soixante-quatorze, le Wellesley, avait démoli, le 2 février, le petit fort de Manhara, situé vers l’embouchure la plus occidentale de l’Indus, et débarqué des troupes qui avaient occupé ce fort et la ville voisine de Karatchi le jour suivant. La nouvelle de la prise de Karatchi accéléra la soumission des Amirs. Le corps d’armée du Bengale passa l’Indus à Bâkker pendant les journées des 14, 15, 16 et 17 février, sur un pont de bateaux jeté par les soins du capitaine Thomson, commandant l’arme du génie, aux sons de la musique de trois régimens. C’était la première fois qu’un corps de troupes régulières et disciplinées à l’européenne passait ce fleuve fameux, que les préjugés des Hindous leur font considérer comme impur.

  1. Cette entrevue de lord William avec Randjît-Singh avait eu lieu à Rouper, petit bourg situé sur les bords du Sutledje, à une distance, sur la droite, à peu près moitié de celle à laquelle Firozepour se trouve de Loudiana sur la gauche.

    Dans cette circonstance, Randjît-Singh, malgré le voisinage du roi exilé et alors oublié, Shah-Shoudjâ, n’avait pas hésité à faire parade du Koh-è-nour, que lord et lady William et les personnes de leur suite avaient pu se passer de main en main et admirer à leur aise. Cette fois, mieux avisé, quoique les sœurs de lord Auckland et plusieurs autres dames prissent part aux fêtes brillantes qui s’échangeaient entre les Anglais et les Sikhs, le maharadja aura paru peut-être plus désireux de montrer ses troupes que ses diamans. Environ dix mille hommes d’élite de son armée furent passés en revue par le gouverneur-général et le général en chef, sir H. Fane, le 5 décembre.