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LA TERREUR EN BRETAGNE.

— Je l’ignore.

Le juge de paix s’adressa alors à Étienne.

— D’où venais-tu ?

— De la forêt.

— Pourquoi y étais-tu allé ?

— Pour cueillir du trèfle à cinq feuilles.

— À minuit ?…

— C’est à minuit qu’il faut chercher les louzou qui donnent la force.

Le citoyen Morillon regarda le syndic avec étonnement.

— De pareilles superstitions existent-elles vraiment dans vos campagnes ? demanda-t-il.

— Elles existent ; mais je serais curieux de voir le trèfle à cinq feuilles que ce vaurien a cueilli. Si je ne me trompe, nous y trouverons de curieux renseignemens. Qu’on le fouille avec soin.

On le fouilla sans rien découvrir.

— Voyons, reprit le syndic, tu n’espères pas nous faire accroire que tu étais sorti pour chercher le louzou dans les carrefours ; tu n’es pas un lutteur, et nous ne sommes d’ailleurs ni au premier quartier de la lune ni au vendredi.

— Aussi n’ai-je point trouvé ce que je voulais, répondit Étienne en jetant un regard d’intelligence à La Guyomarais ; les louzou sont fées, et devinent quand on les cherche ; ils étaient tous rentrés dans la terre jusqu’à l’autre lune.

— Et personne ici ne te savait sorti ?

— Personne.

— Ainsi, c’est toi qui avais laissé la porte du château ouverte, pour rentrer ?

— Non ; je n’habite pas le château.

— Où demeures-tu ?

— Dans le grand pavillon du jardin.

— Seul ?

— Avec ma femme.

— Qu’on la fasse venir, dit vivement le citoyen Morillon, et que l’on fouille partout chez cet homme.

Une douzaine de gardes nationaux allaient sortir pour exécuter son ordre, quand le syndic rentra en conduisant par la main une femme presque nue. À son aspect, Étienne recula.

— Catherine ! s’écria-t-il…

Celle-ci leva la tête, poussa un cri, et cacha son visage dans ses deux mains.