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une foi plus vive que la nôtre dans le triomphe définitif de la cause que nous défendons, dans la stabilité du trône de juillet et des institutions dont il est à la fois le centre et la garantie.

Mais, en politique du moins, la foi seule ne sauve pas ; il faut être moliniste. S’il est absurde et lâche de trop s’alarmer, faut-il donc s’endormir dans le péril et attendre niaisement que de profondes perturbations et de violens attentats exigent des mesures extraordinaires et des remèdes extrêmes ?

Oh ! alors c’est à qui criera plus fort, à qui demandera davantage, à qui fera meilleur marché de toutes nos libertés !

Nous aimons trop la véritable liberté pour vouloir qu’on s’expose à de pareilles nécessités, en négligeant aujourd’hui des avertissemens salutaires, et en s’abandonnant à cette mollesse, à cette apathie, à cette nonchalance qui détend d’une manière déplorable tous les ressorts réguliers du pouvoir.

Le ministère lui-même, nous ne voulons rien déguiser, a paru avoir cédé, sous ce rapport, à de trop petites considérations.

Il n’a d’abord rien dissimulé de la gravité des dangers dont nous sommes menacés ; nous ne voulons pas dire qu’il les a grossis. Il en concluait ou laissait conclure la nécessité d’un pouvoir fort. La conclusion était juste.

Mais on lui a dit : Ce pouvoir nécessaire, imposant, capable de tenir tête aux factions ou de prévenir leurs écarts, ce n’est pas en vous qu’il peut résider. Il est sans doute, parmi vous, plus d’un homme digne du portefeuille ; mais le ministère du 12 mai, par son origine et dans son ensemble, manque de force, d’unité, et n’est pris au sérieux par personne, pas même par ceux des ministres qui seraient les plus dignes de faire partie d’un ministère fort et parlementaire.

Alors on a découvert tout à coup que le danger n’était pas aussi grave qu’il l’avait paru de prime-abord. Peu de force, un peu d’adresse, quelques précautions suffisent pour nous mettre à l’abri d’un coup de main. À quoi bon appeler dans le cabinet les hommes d’expérience, les sommités parlementaires ? On dirait d’un médecin qui, redoutant une consultation qui appellerait auprès du malade des hommes célèbres, s’attache à lui persuader qu’il n’est atteint que d’une légère indisposition.

Les symptômes cependant ne manquent pas de gravité. Nous avons vu au sein de la capitale, dans un arrondissement populeux, commerçant, le gouvernement ne pas savoir opposer un concurrent aux candidats de l’opposition. Il ne s’est pas trouvé dans Paris, au siége du gouvernement, un homme assez habile et assez courageux pour lutter avec l’opinion républicaine dans une assemblée électorale convoquée au nom de la charte de 1830. On n’a pas été suffisamment affligé d’un si douloureux spectacle. Nul n’y a bien joué son rôle que M. Michel de Bourges.

Les hommes les plus habiles ne cessent de jeter dans le public des écrits que nul ne réfute, et qui font pénétrer dans les ateliers et dans les chaumières des opinions qui grandissent à vue d’œil, des enseignemens qui porteront leur fruit.