Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/877

Cette page a été validée par deux contributeurs.
873
REVUE. — CHRONIQUE.

place notre ambassadeur dans une position peu conforme à la grandeur, à la dignité, aux droits de la France. Les espérances des ennemis de la royauté de juillet sont hautement proclamées à Rome ; le duc de Bordeaux s’y est rendu pour se rapprocher des côtes de France ; la duchesse de Berry colporte les espérances du parti d’un bout à l’autre de la péninsule ; elle ne trouvera pas d’obstacles à Naples ; elle trouvera aide et faveur à Modène, et peut ainsi nouer une chaîne d’intrigues qui s’étende du centre de la France à l’extrémité méridionale de l’Italie.

Nous aimons à croire que notre gouvernement n’est pas demeuré les bras croisés et la bouche close en présence de tous ces faits. Sans doute il a demandé à sa sainteté, avec toute la fermeté qui appartient à un gouvernement qui parle au nom de la France, des explications sur ce brusque changement de conduite, sur ces étranges condescendances envers les ennemis avoués et toujours actifs de notre révolution. Quand le pape ne sera plus que le premier des évêques, que le pontife supérieur de l’église catholique, il pourra accueillir dans sa demeure tous les fidèles qui désireront se prosterner devant leur chef spirituel ; mais tant qu’il sera en même temps le prince temporel d’un état, qu’il aura un territoire, des ports, des côtes maritimes, des sujets, il devra tenir compte des relations politiques de nation à nation, et ne pas donner dans ses états, placés à quelques heures de navigation de la France, asile et protection à un prétendant servi par un parti actif et incorrigible. Ce serait là une singulière récompense de notre loyale évacuation d’Ancône. Voudrait-il la faire regretter même à ceux qui, comme nous, l’ont hautement approuvée ? Car, certes, nul ne croira qu’il fût aujourd’hui permis au duc de Bordeaux de jouer publiquement à Rome le rôle de prétendant, si le drapeau tricolore flottait encore sur la citadelle d’Ancône. Quant à nous, nous ne changeons point d’avis. Le drapeau tricolore peut flotter de nouveau là où il a flotté un jour, et la France est d’autant plus fondée à réclamer énergiquement la stricte observation des principes du droit des gens à son égard, qu’elle s’est montrée, elle forte et puissante, exécutrice scrupuleuse des traités.

Au surplus, Rome n’est pas seule le siége des intrigues et des machinations des ennemis de notre gouvernement. Les factions s’agitent de nouveau ; bonapartistes, républicains, carlistes se donnent la main, unanimes sur un point, le renversement de ce qui est.

Certes il y aurait trop de bonté à réfuter encore cette vieille accusation qui fait de la police l’auteur de ces crimes. Ce misérable expédient n’a plus de valeur.

Les complots ne sont que trop réels ; le mal existe, et il est grave au point que tous les hommes honnêtes, sincères, parmi ceux que de longues habitudes d’opposition avaient accoutumés à rapetisser et à mépriser ces dangers, ont été frappés, eux aussi, de l’opiniâtreté, de l’audace, de la perversité des conspirateurs.

Loin de nous la pensée d’exagérer le péril. Nous ne voulons ni fermer les yeux pour ne pas le voir, ni le grandir à dessein ou par imprudence. Nul n’a