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au moment où elle vient de s’épanouir, est blanche avec une légère teinte rosée vers le centre ; mais cette dernière couleur s’étendant peu à peu, on la trouve le second jour d’un rose uniforme, et dans ces deux états elle est également belle. Enfin, comme si rien ne devait manquer à sa perfection, elle exhale un parfum des plus doux.

« Ainsi que cela se voit dans d’autres nymphéacées, notre fleur offre un disque charnu et un passage insensible des étamines aux pétales. Ceux de ces pétales qui approchent le plus du calice sont épais, et contiennent à l’intérieur des cellules aériennes qui font l’office de petites bouées et servent à faire flotter la fleur. Le fruit, partagé en plusieurs cellules, contient de nombreuses graines, enchâssées dans une substance spongieuse.

« Nous retrouvâmes cette belle plante en plusieurs autres points de la rivière, et, à mesure que nous la rencontrions plus haut, elle nous présentait de plus grandes dimensions ; nous mesurâmes une feuille, qui avait six pieds cinq pouces de diamètre (environ six pieds de France). La partie relevée du bord était haute de cinq pouces et demi ; la fleur était large de quinze pouces.

M. Schomburgk, dans le courant de l’année 1837, envoya en Europe des échantillons de la fleur dont la découverte l’avait rendu si heureux. Ces échantillons, examinés par un savant botaniste, M. Lindley, présentèrent des caractères qui pouvaient autoriser l’établissement d’un nouveau genre et la plante qui en devenait le type reçut, conformément au désir exprimé par le voyageur, le nom de Victoria Regina.

On se demande naturellement comment une plante aussi belle a pu échapper aussi long-temps aux investigations des botanistes. Ne se trouverait-elle que dans ces parties reculées de la Guyane, restées jusqu’à ce jour presque inconnues aux Européens ? Nullement. Nous savons aujourd’hui qu’elle se trouve dans plusieurs autres contrées de l’Amérique tropicale, et nous savons même qu’elle avait été vue par plusieurs naturalistes. Ainsi Poeppig, vers l’année 1830, l’observa sur l’Amazone ; mais il crut pouvoir la comprendre dans le genre euryale, et c’est sous le nom d’euryale amazonica qu’elle fut signalée en 1831, dans le journal de Froriep. À peu près vers la même époque, et même un peu plus tôt, notre compatriote M. Alcide d’Orbigny l’avait rencontrée beaucoup plus au sud, dans la province de Moxos. Enfin, cinquante ans auparavant, un botaniste allemand, mort en Amérique, et dont les découvertes nombreuses ont été à peu près perdues pour la science, Hæncke, l’avait vue dans la même