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LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS.

prit de chaque époque périt avec elle ; une autre portion s’entasse en de savans dépôts, et ne s’en tire qu’en se dispersant dans quelques têtes de plus en plus singulières. C’est bien moins encore, on le conçoit, à la rénovation historique du temps de Vespasien qu’à la nôtre même, en sa légère exagération, que je me permets d’opposer ce sous-amendement respectueux. En face des érudits et des philosophes également ardens de nos jours et emportés à toutes sortes d’espérances, il est bon de ne pas laisser tout-à-fait tomber ce droit de rappel à l’homme, qui semble relégué chez les défunts moralistes.

La seconde partie du livre de M. Leclerc, et de beaucoup la plus agréable, traite des journaux chez les Romains. Le sagace dissertateur essaie de les rattacher directement aux Annales des pontifes, et de montrer que, vers le temps même où l’on cessa de rédiger celles-ci, on commence à voir apparaître une publication ou journalière ou assez fréquente, qui les remplaça avec avantage. D’après cette conjecture, les journaux seraient comme une bouture sortie du vieux tronc pontifical : ils n’en seraient que la prolongation et l’émancipation au dehors ; ils auraient eu, comme le théâtre, comme la statuaire en bien des pays, leur période hiératique avant d’avoir leur existence populaire. Les Annales pontificales, c’était, si vous voulez, un journal annuel à un seul exemplaire, sur bois ou sur marbre, affiché dans le vestibule du grand-prêtre ; c’était un essai informe de Moniteur, très mélangé de Mathieu Laensberg. Les journaux, dès l’année 626 environ, y auraient suppléé et auraient rendu compte des affaires publiques, des édits, des procès scandaleux, des orages, pluies de sang et autres phénomènes atmosphériques, etc. ; les actes de l’assemblée du peuple, selon la conjecture très avenante de M. Leclerc, auraient été l’objet principal de ces journaux, environ soixante huit ans avant les actes du sénat, lesquels (on le sait positivement) ne commencèrent à être publiés qu’en l’an de Rome 694, sous le premier consulat de César : ce fut un tour que cet ennemi de l’aristocratie joua au sénat, un peu comme lorsque notre révolution de juillet introduisit la publicité dans notre chambre des pairs. Mais gardons-nous de trop pousser ces sortes d’analogies. Ni sur la fin de la république, ni sous l’empire, les journaux à Rome ne furent jamais rien qui ressemblât à une puissance ; ils étaient réduits à leur plus simple expression ; on ne saurait moins imaginer, en vérité, dans un grand état qui ne pouvait absolument se passer de toute information sur les affaires et les bruits du forum. M. Leclerc a très bien indiqué le moyen de se figurer ce que renfermaient les jour-