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LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS.

ressant travail sur Reims. L’érudition a ses coteries encore ; l’Académie des Inscriptions conserve un reste de parti royaliste. M. Berger est arrivé par là et loue tout ce qui vient de là. Le travail de M. Varin était en concurrence avec un livre que pousse la coterie dont est M. Berger : voilà l’histoire de cette grande colère. Oh ! si l’on retournait la lance de M. Berger contre ses collègues les plus intimes !… mais ce ne serait pas assez plaisant.

Il y aurait bien plus de profit à découvrir, à dénoncer au public les gens à idées dans l’érudition : ils sont rares. M. Letronne, pour prendre parmi les plus en vue, en est un. Il a de l’invention en critique, une invention très inquisitive et très destructive. S’il a pu dire un non bien net à quelque opinion vague et reçue, s’il a pu déconcerter une chronologie sacro-sainte ou prendre en flagrant délit de fabrication quelque juif hellénisant, s’il a pu mettre à sec un déluge ou faire taire à propos la statue de Memnon, il est content.

M. Fauriel aussi a de l’invention ; il en a trop peut-être pour les doctes habitudes académiques, et il a dû y déroger plus d’une fois. Il ne s’est jamais mis aux champs, soit en histoire soit en littérature, que pour rapporter quelque chose de neuf, d’imprévu, et non-seulement quant aux faits, mais quant aux idées qui s’y cachent. Ceci est trop, je le crois, pour être tout-à-fait apprécié de ses pairs.

Le livre de M. Leclerc, né au sein de l’Académie des Inscriptions, en est presque aussitôt sorti, et a fait beaucoup d’honneur à l’érudition dans le public. Le choix du sujet, ce titre Des Journaux chez les Romains, avait de quoi piquer ; les journaux ont accueilli à l’envi le D’Hozier qui leur donnait des aïeux. En fait de généalogie, on n’est jamais difficile ; on ne s’est pas trop inquiété de voir à quoi répondait précisément et ce que signifiait en importance ce nom de journaux appliqué à l’ancienne Rome ; on n’a pas assez remarqué que ce n’était là d’ailleurs que la seconde partie et comme l’assaisonnement du savant travail de M. Leclerc.

La première partie de son livre, le premier mémoire, qui traite des Annales des Pontifes ou grandes Annales, a véritablement pour objet de rendre aux premiers siècles de Rome et à son histoire au temps des rois et des premiers consuls une authenticité que les travaux de Niebuhr et de cette école audacieuse avaient pu ébranler dans beaucoup d’esprits. Si en effet l’on parvient à démontrer que, dès les premiers siècles de Rome, le grand pontife traçait chaque année dans sa maison, sur une table blanchie, les faits mémorables ; que ces tables sur bois ou sur pierre ne furent jamais complètement détruites, qu’elles échappèrent à l’invasion des Gaulois, et qu’elles purent être