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vaient en elle. Le soir Laurence était partie. Pauline avait pleuré en la voyant monter en voiture, et cette fois c’était de regret, car Laurence venait de la faire vivre pendant trente-six heures, et elle pensait avec effroi au lendemain. Elle tomba accablée de fatigue dans son lit, et s’endormit brisée, désirant ne plus s’éveiller. Lorsqu’elle s’éveilla, elle jeta un regard de morne épouvante sur ces murailles qui ne gardaient aucune trace du rêve que Laurence y avait évoqué. Elle se leva lentement, s’assit machinalement devant son miroir et essaya de refaire ses tresses de la veille. Tout à coup, rappelée à la réalité par le chant de son serin, qui s’éveillait dans sa cage, toujours gai, toujours indifférent à la captivité, Pauline se leva, ouvrit la cage, puis la fenêtre, et poussa dehors l’oiseau sédentaire, qui ne voulait pas s’envoler. « Ah ! tu n’es pas digne de la liberté ! » dit-elle en le voyant revenir vers elle aussitôt. Elle retourna à sa toilette, défit ses tresses avec une sorte de rage, et tomba le visage sur ses mains crispées. Elle resta ainsi jusqu’à l’heure où sa mère s’éveillait. La fenêtre était restée ouverte, Pauline n’avait pas senti le froid. Le serin était rentré dans sa cage, et chantait de toutes ses forces.


George Sand.


(La seconde partie au prochain no.)