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dans le christianisme la vérité philosophique et sociale élevée à sa plus haute puissance, et ceux qui le supportent à grand’peine comme une nécessité transitoire. En vain une convention tacite consacrerait-elle d’une part la plus large tolérance, de l’autre un respect officiel pour des institutions reconnues utiles ; un tel problème est trop grave, il touche de trop près à toutes les solutions, à tous les faits de l’ordre social aussi bien que de la conscience humaine, pour que la différence des points de vue n’en établisse pas à chaque instant dans les résultats.

La chambre et l’opinion vont se trouver saisies de ces hautes questions morales qu’on voit apparaître sur le premier plan de la scène, depuis que celles d’un ordre secondaire sont épuisées ; bientôt elles auront à décider si la philantropie bureaucratique peut remplacer, pour le soulagement des misères humaines, l’action spontanée de la charité, si des concierges et des guichetiers suffisent pour faire descendre de salutaires pensées dans l’ame des coupables ; bientôt elles auront à déterminer la part respective de l’état et du sacerdoce dans le ministère sacré de l’éducation publique. De toutes parts vont surgir d’immenses problèmes en face desquels il faudra que toutes les convictions se dessinent, que toutes les répugnances se révèlent, et que chacun dise son dernier mot. Dans cette phase toute nouvelle de nos débats parlementaires, vous verrez se produire des péripéties fort imprévues, se former des liaisons et se préparer des ruptures jusqu’ici réputées improbables. Peut-être sortira-t-il plus tard de tout cela des divisions plus rationnelles, des classifications correspondant davantage à de vivantes réalités.

Je ne fais qu’indiquer en passant une idée appelée à conquérir bientôt une importance qu’il y a peut-être quelque témérité à lui attribuer dès à présent, idée féconde, quoique vague encore, qui contribuera plus qu’aucune autre à développer cet avenir que nous pressentons sans le comprendre.

En résumé, monsieur, je ne suis pas admirateur fanatique, non plus que détracteur passionné de mon siècle ; je sais que l’idée qu’il poursuit a ses périls comme elle a sa grandeur, et que telle est malheureusement la condition de toutes formes nouvelles. Les sociétés ne viennent pas s’y encadrer naturellement et comme d’elles-mêmes ; il faut que la tourmente les y jette, que la force des choses les y retienne, et que ces formes les enlacent graduellement sans qu’elles en aient la conscience. Aussi ne suis-je point découragé au spectacle de tant d’agitations et d’incertitudes, à celui même de tant d’ambitions