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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

unes des autres. En élevant tant de soudaines fortunes, la révolution de 1830 imprima une impulsion sans exemple à toutes les espérances, et celles-ci aboutirent pour la plupart à d’inévitables désappointemens. De là, dans un grand nombre d’esprits, des irritations et des mécomptes qu’on prit soin de revêtir des apparences d’une opposition systématique.

Mais ce qui se passe au sein de la représentation nationale ne peut manquer de vous éclairer sur les sentimens véritables du pays. Vous avez vu l’opposition perdre toute sa vivacité dans la chambre élective et fondre comme la cire au soleil, du jour où elle s’est trouvée plus rapprochée du pouvoir. On peut, sans calomnier les convictions de ses mandataires, douter aussi qu’elles résistassent à une pareille épreuve ; on peut croire que du haut d’un siége de cour royale, du bureau d’une perception ou d’un prétoire de justice de paix, les hommes et les choses apparaîtraient sous un jour plus favorable.

Aucune fraction de la bourgeoisie n’aspire à voir descendre aux mains du peuple l’arme des droits politiques ; aucune ne réclame avec sincérité une part plus large dans le gouvernement et dans l’administration locale, car à peine se résigne-t-on à user de toute celle qu’on tient de la loi. Lorsqu’on demande une plus vaste extension du suffrage électoral, lorsqu’on s’élève avec une énergie tout américaine contre le despotisme administratif, ces plaintes dans la bouche de l’avocat sans causes ou du médecin sans malades ont un sens qu’il faut savoir comprendre, et dont le pouvoir n’a pas trop à s’effrayer. Je ne sais pas une idée d’organisation intérieure dont il soit possible de faire en ce moment une théorie sérieuse d’opposition, et ce ne serait pas chose facile que de trouver un terrain pour les controverses parlementaires, si la France ne continuait à porter, aux grands intérêts qui se débattent au-delà de ses frontières, cette attention passionnée qu’elle a visiblement cessé de prêter à des questions aujourd’hui résolues.

Si l’on arrive jamais à établir au sein de la bourgeoisie de grandes divisions distinctes, je crois que cette classification s’opérera plutôt par l’effet des tendances morales que par le résultat des idées politiques. Sous ce rapport, la question religieuse, en ce moment effacée, pourrait bien acquérir une importance croissante, car dans le silence des passions de parti dont elle a su se dégager, elle ne peut manquer de devenir pour les uns le plus puissant élément d’attraction, pour les autres le point le plus constant de repoussement. Il ne saurait y avoir association durable dans la vie publique entre ceux qui voient