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mettait rarement qu’un prêtre sans naissance ceignît la mitre épiscopale. Tout cela se faisait, du reste, dans les meilleures intentions du monde, et l’on était si parfaitement convaincu de l’identité des deux principes, qu’il semblait naturel autant qu’habile de les unir pour marcher sous le même drapeau contre l’ennemi commun ; on eût dit la croisade de vos révérends et de vos tories associés contre la réforme parlementaire dans le double intérêt de leurs bénéfices et de leurs bourgs pourris.

Le gouvernement actuel saura, on doit le croire, répudier des traditions également dangereuses. À l’exemple de l’empire, il ne verra pas dans le prêtre un simple commissaire de police pour les consciences ; et comme le régime auquel il succède, il n’aspirera pas à transformer le clergé en un instrument dynastique. Ce gouvernement ne demandera pas à l’évêque de déserter la demeure du pauvre pour devenir l’habitué du palais des rois, et se bornant à réclamer des chefs de la hiérarchie religieuse ces hommages publics qui constatent aux yeux des peuples une respectueuse déférence envers les pouvoirs de l’état, il ne recommencera pas une tentative imprudente autant que vaine. C’est en renonçant à faire des membres du clergé des courtisans ou des esclaves, qu’il peut donner à la religion toute la mesure de sa force, et en assurer le bénéfice à la société comme à lui-même.

Mais il est une autre sphère où le clergé pourra seconder l’activité du pouvoir sans inconvéniens comme sans réserve. Placé en dehors des partis, et vivant par une pensée supérieure à leurs espérances comme à leurs craintes, il sera le plus puissant instrument de cette œuvre de moralisation populaire, qui seule peut assurer de l’avenir au gouvernement de 1830. Dans l’asile, il instruira l’enfance à balbutier la prière et à s’incliner sous le nom de Dieu ; à l’école, il raffermira les jeunes ames contre les épreuves de la vie qui s’ouvre devant elles ; au pénitencier, il relèvera la dignité du coupable en lui révélant le haut mystère de l’expiation par la souffrance. N’est-ce pas, en effet, une amère dérision, monsieur, pour ne prendre qu’un exemple entre mille, que de présenter le confinement solitaire comme une recette qui, par elle-même, guérit du vol, à peu près comme la diète de la gastrite. J’ai vu fonctionner ce système dans les contrées de l’Europe où son mécanisme peut être considéré comme ayant atteint le plus haut degré de perfection, et d’après les statistiques de récidive, aussi bien que selon les aveux de tous les administrateurs, il ne m’a pas été difficile de découvrir que nulle part il