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gouvernement. Il est temps de sortir des fausses voies où nous ont jetés une politique étroite et des intérêts par trop égoïstes. Il faut bien le dire : nous n’en sortirons jamais par des mesures générales, par des lois proprement dites. Tout le monde en sait la raison. Que le gouvernement use de son droit ; qu’il procède par des traités. Les chambres se résigneront à trouver dans un traité particulier, conclu avec telle ou telle puissance amie, ce qu’elles ne voudraient pas adopter dans un projet de loi générale et applicable à toutes les provenances. La Belgique, la Hollande, l’association allemande, l’Espagne, la Suisse, voilà les marchés qu’il faut ouvrir ou conserver à la France, renonçant enfin à la stupide prétention de vendre sans jamais acheter, de faire accepter nos produits en repoussant ceux de nos voisins. Ce serait par trop singulier qu’un ministère où siégent MM. Duchâtel et Passy laissât échapper les occasions qui sont offertes de rectifier l’absurde système que la restauration a imposé à la France.

Décidément, le ministère est aussi avare de lettres que M. Viennet en est prodigue. M. Bérenger aussi n’aime pas à être informé de ce qui le concerne par le Moniteur ou par son portier, s’il y a des portiers dans la Drôme. On dit que M. le président du conseil a réparé l’oubli par une lettre irrésistible ; on ajoute cependant que si elle a donné un membre de plus à la pairie, elle n’a pas assuré une voix de plus au ministère dans la chambre des pairs.

La mort de M. de Blacas est un fait qui n’est pas sans quelque importance à l’endroit du duc de Bordeaux et des manœuvres légitimistes. M. de Blacas, par ses antécédens et sa vieille expérience, était le conseiller le mieux écouté à la petite cour de Gœritz, et il n’aimait pas les coups de tête et les aventures romanesques. Il se rappelait qu’après de vaines et peu dignes tentatives, les Bourbons n’étaient enfin rentrés en France qu’à la suite d’évènemens fabuleux et tout-à-fait indépendans de leurs efforts et de leur volonté. La France, qui n’a pas aujourd’hui à déplorer les égaremens d’une ambition effrénée, veut la dynastie et le gouvernement de son choix. Elle l’a proclamé en 1830, elle vient de le répéter avec toute l’énergie d’une profonde affection au fils du roi. Le voyage du duc d’Orléans est un grand évènement.

Nous ne parlons pas de son excursion en Afrique. Il faut sans doute le remercier de tout le bien qu’il y a fait et de sa vive sollicitude pour le bien-être de l’armée. S’étant rencontré en Algérie avec les fantaisies quelque peu aventureuses de M. le gouverneur-général, le prince a marché aux Portes-de-Fer. Il le devait. Il s’y est montré brave, hardi, intelligent, ami du soldat, habile à le diriger, doué de ce coup d’œil et de ce sang-froid qui grandissent l’homme sur le terrain, au milieu des dangers. Qui en doutait ? Le duc d’Orléans avait déjà fait ses preuves ; l’armée le connaissait. L’expédition a réussi ; Dieu en soit loué. Mais sérieusement était-ce là un but à proposer à l’activité du prince royal ? Qu’on se demande ce qu’on aurait pensé, ce qu’on aurait dit, si une intempérie obstinée, si des torrens de pluie, comme il en tombe en Afrique, eussent arrêté la marche de l’expédition, et si l’armée, enfoncée dans les boues épouvantable du sol africain, eût été cruellement décimée par la disette, les