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REVUE LITTÉRAIRE.

tiques toutes celles qui imposaient de pareilles charges aux colons, quelle que fût d’ailleurs leur nation. Il n’y a donc pas lieu à s’étonner de voir dans la Notice des dignités de l’empire plusieurs corps militaires désignés sous le nom de Lètes-teutons, Lètes-bataves, Lètes-francs. C’est que ces barbares, en se mettant au service des Romains, avaient accepté le contrat létique, ou peut-être parce qu’ils se trouvaient enrégimentés avec des Lètes véritables. On nous pardonnera d’avoir insisté sur ce fait, en raison de sa double importance en géographie et en histoire. D’abord, l’indication de plus de trente colonies militaires, sans compter celles dont les traces se sont effacées, prouve qu’elles ont occupé une grande place dans les provinces du nord. Il nous semble, en second lieu, que des recherches sur les établissemens de cette nature conduiraient les historiens vers l’une des sources trop négligées de notre droit public. En effet, si les peuples de la confédération franque se montrèrent moins exigeans dans le nord, que ne le furent au midi les Bourguignons et les Visigoths, n’est-ce pas parce que déjà les provinces rhénanes étaient en grande partie occupées par des hommes d’origine germanique ? Le lète gallo-romain est-il autre que le lite des Francs ? La jouissance d’un domaine, à charge de subordination et de service actif, n’a-t-il pas conduit à la hiérarchie féodale ? et les obligations imposées aux colons enrégimentés n’ont-elles pas de nombreux rapports avec la servitude qui pesa plus tard sur les hommes de main-morte ?

En signalant ces omissions, nous n’avons pas l’orgueilleuse pensée de surprendre en défaut la forte érudition de M. Walckenaër. Il va de lui-même au devant des critiques, en déclarant dans sa préface que des difficultés de publication l’ont empêché d’utiliser tous ses matériaux. N’est-il pas infiniment regrettable que son troisième volume, consacré à la concordance des itinéraires anciens, ne soit qu’une sèche indication des distances, et que l’auteur n’ait pas pu produire le résultat de trente années de recherches, c’est-à-dire une série de mémoires où chacune des routes de la Gaule romaine est décrite ? Les découvertes qu’on a faites en archéologie, depuis l’époque où le vieux Bergier écrivait sa belle Histoire des grands chemins de l’Empire, ont, à coup sûr, prêté au travail inédit de M. Walckenaër le piquant de la nouveauté, et l’importance attachée aujourd’hui à tout ce qui se rapporte aux moyens de communication, offrirait, ce nous semble, une garantie à l’éditeur. Le courage lui viendra, il faut l’espérer, avec le succès de la Géographie ancienne, qui, malgré la sécheresse et l’insuffisance de quelques détails, a conquis une place des plus honorables dans les bibliothèques historiques.


De l’affinité des langues celtiques avec le sanscrit, par M. Adolphe Pictet (de Genève)[1]. — Nous venons de dire que la parenté des idiomes celtiques avec le groupe indo-européen n’avait pas été admise sans contesta-

  1. Grand in-8o, chez Benjamin Duprat, rue du Cloître-Saint Benoît, no 7.