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çaient à ciel ouvert. Il y avait encore des différences à signaler entre les places fortes (oppida), qui probablement faisaient souvent partie du domaine des chefs indépendans, et les villes (urbes), siéges des cités ou confédérations populaires. Ces cités étaient de constitutions fort différentes ; toute l’échelle des combinaisons politiques paraît y avoir été essayée, depuis la tutelle sacerdotale jusqu’à la démocratie : ce sont là des renseignemens sur lesquels un géographe devrait appeler l’attention. Pour les temps postérieurs à la conquête, l’auteur s’est contenté de noter la fondation des villes nouvelles, et de déterminer les divisions de la Gaule en provinces, c’est-à-dire des circonscriptions purement arbitraires et qu’on modifiait suivant les exigences de l’administration. Sans se perdre dans les détails infinis du régime gallo-romain, il eût été utile d’ajouter que les cités et leur banlieue n’occupaient que la moindre partie du territoire ; que tout le reste était subdivisé en cantons ruraux formés par la réunion des domaines des puissans ou propriétaires libres ; que chacun de ces cantons, sorte de principauté indépendante, ne se rattachait à la cité métropolitaine que par les liens de la fiscalité ; qu’il avait d’ailleurs son administration, son code spécial, ses franchises, nombre de châteaux et de bourgades, et enfin sa petite capitale, où résidait l’officier romain, où se trouvait le temple commun, le tribunal, les marchés.

Sur le déclin de l’empire, le nord de la Gaule n’est plus qu’un champ de bataille, où les Germains viennent défier insolemment les légions romaines. Cette région prend dès-lors un aspect étrange, qui n’a pas été suffisamment caractérisé. Les documens historiques des IIIe et IVe siècles parlent sans cesse de villes détruites, de champs dépeuplés, de terres en friches qu’on fait reverdir en y transplantant des vétérans légionnaires et des barbares. M. Walckenaër, qui déclare que ces établissemens ont été trop peu remarqués, est loin de leur accorder lui-même toute l’attention convenable. Au IVe siècle, la région menacée par les Germains est en grande partie concédée, à titre de bénéfices militaires, à des Lètes, ou à des barbares admis à la condition létique. Mais ces Lètes, dont M. Walckenaër se débarrasse avec quelques lignes, ont soulevé plus d’un système. Suivant l’abbé Dubos, le mot lœti n’est pas le nom d’un peuple, mais tout simplement l’adjectif latin qui a le sens de contens ou joyeux, et il prétend que les barbares reçus à titre de colons l’ajoutaient au nom de leur tribu, pour témoigner leur joie de partager ce que les empereurs appelaient avec emphase la félicité romaine. On a avancé que le mot letus (participe du verbe inusité lere, oindre) était comme le nom de picti, donné aux Écossais, attribué aux peuples qui avaient coutume de se peindre le corps à la façon des sauvages. Sans avoir égard au témoignage formel de Zozime, qui présente les Lètes comme un peuple d’origine gauloise, plusieurs savans ont cherché leur berceau dans la Germanie ; M. Walckenaër en a fait une tribu de Sarmates.

Arrêtons-nous à une opinion beaucoup plus probable, et qui a pour elle l’avantage de concilier tous les textes anciens, celle qui fait du mot lète la tra-