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ouvrages des sculpteurs grecs. Le Harangueur étrusque de Florence, le Mercure barbu de la villa Borghèse, et les statues du Mercure sans ailes, du Jeune garçon (Putto) et du Guerrier du Vatican, dont nous parlerons tout à l’heure, sont de précieux specimen de cette manière à laquelle appartint sans aucun doute cet Apollon toscan colossal de la bibliothèque du temple d’Auguste, si fameux dans l’antiquité[1].

Une autre cause de la prédominance du style grec, ce fut le manque d’épopée nationale chez les Étrusques. Obligés de prendre aux Grecs leur mythologie et leurs fables héroïques, ils durent leur emprunter aussi la façon de les exprimer. Cette observation nous ramène aux bas-reliefs en terre cuite dont les plus importans représentent, sur une surface de dix pieds carrés environ, les divers travaux d’Hercule : Hercule tuant le lion de Némée, combattant l’hydre de Lerne, etc. C’est là surtout que l’on peut voir combien les Étrusques excellaient dans la représentation des animaux en mouvement. Pline nous apprend en effet que leurs artistes possédaient de profondes connaissances anatomiques, et qu’ils étudiaient la victime sous le couteau de l’aruspice. L’art grec n’a rien produit de plus achevé que ces bas-reliefs, et cependant ce n’était là qu’une décoration, que les pièces d’un lambris destiné à recouvrir une muraille. Quelques-uns de ces morceaux portent en effet des frises, des corniches et de petits entablemens ; ce sont ceux qui formaient l’encadrement du lambris.

Eucheyra et Eugrammo, venus de Corinthe avec Démarate, du temps des Tarquins, avaient enseigné ce genre de plastique aux Étrusques, qui déjà savaient mouler des statues avec la craie ou la glaise. Le Jupiter capitolin en terre cuite et l’Hercule fictile dont parlent Pline et Martial, et tous ces dieux d’argile que célèbrent les poètes, lorsqu’ils veulent faire honte aux Romains du temps des Césars de leurs pompeux débordemens et de leur luxe effréné, étaient autant de statues étrusques, grossières peut-être quant à la matière, mais précieuses sous les rapports du style et de l’art, à en juger du moins par les morceaux analogues que nous avons sous les yeux.

Sans vouloir établir une comparaison qui nous écarterait de notre sujet, nous dirons cependant que nous préférons ces bas-reliefs étrusques aux terres cuites si vantées de Lucca della Robbia, cet habile

  1. Pline, XXXIV. — Cette statue avait cinquante pieds de haut. Ne serait-ce pas ce même colosse enlevé à Vulcinium ?