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nées que les marchands du Finmark et du nord de la Norvége ont entrepris la même pêche, qui était alors très facile et très abondante. Les navires faisaient parfois deux voyages dans un seul été, et s’en revenaient avec un chargement complet ; mais cette pêche commence à devenir aussi très précaire et souvent très infructueuse. Les morses ont pris une autre direction. Il faut aller les chercher le long des bancs de glace, tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, et souvent on ne les trouve pas. Les navires employés à ces expéditions portent ordinairement deux canots et dix à douze hommes. Quand le navire est au mouillage, le capitaine et le cuisinier restent à bord ; les hommes s’en vont dans les canots à la recherche des morses avec des provisions pour un jour ou deux ; ils doivent être prêts à rallier le bâtiment dès que la brume menace de les envelopper, ou dès qu’ils peuvent pressentir l’approche d’un orage.

Les navires de Hammerfest destinés à la pêche du morse partent au mois de mai, quelquefois au mois d’avril, et ne reviennent qu’en septembre. Peu de jours se passent dans ces deux traversées sans qu’ils aient à lutter contre le vent, l’orage, le froid ou la neige. Pour toutes provisions, ils n’emportent que de la viande salée, du biscuit noir et de l’eau-de-vie de grain. Quelquefois ils se font, comme les Russes, une boisson avec de l’eau et de la farine fermentées ; le plus souvent ils ne boivent que de l’eau. Leur voyage à travers les glaces flottantes est souvent dangereux ; leur pêche ne l’est guère moins. Le morse harponné lutte encore avec vigueur contre ceux qui cherchent à l’égorger. Plus d’une barque a été rudement ébranlée par ces fortes secousses, et plus d’un pêcheur en a été victime. Les pauvres Norvégiens bravent tous ces périls, supportent toutes ces fatigues, pour le salaire le plus minime. Quand un bâtiment revient de son expédition au Nord, le marchand qui l’a équipé prend les deux tiers de la pêche ; l’autre tiers se partage entre le capitaine et les matelots. Dans les dernières années, cette part était si misérable, que nul pêcheur ne voulait plus à ce prix s’exposer aux dangers d’un voyage au Spitzberg. Les marchands ont fait un autre contrat : ils donnent au matelot une solde fixe, vingt, vingt-cinq, ou trente francs par mois. Ils prennent pour eux les cinq sixièmes de la pêche ; le reste appartient à l’équipage. Malgré ces nouveaux arrangemens, les pêcheurs ne font souvent qu’une mauvaise campagne, et les marchands, avec l’édredon, les morses et les phoques, les peaux d’ours et de renards recueillis sur leur navire, éprouvent souvent un déficit considérable : aussi le nombre des bâtimens destinés à la pêche du morse diminue-t-il sans cesse. En 1830, il y avait encore sur les côtes du Spitzberg des bâtimens de Vardœ, Drontheim, Hammerfest, Bergen, Copenhague, Flensbourg. Cette année, il ne s’y est trouvé que quatre petits bâtimens de Hammerfest, deux de Bornholm, et quatre de Copenhague.

Les Russes y viennent toujours en assez grand nombre. Ils partent d’Archangel au mois de juillet, avec de lourds bâtimens qui ne peuvent manœuvrer entre les glaces. Pour pouvoir pêcher avec quelque chance de succès, ils sont obligés de rester tout l’hiver dans la baie qu’ils ont choisie, et chaque