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navires hollandais qui découvrirent la côte nord-ouest du Spitzberg. Dans tous les cas, on ne connaît aucun bâtiment qui ait visité ces parages avant eux[1].

Barentz avait entrepris ce voyage avec toute la joie et toutes les espérances d’un vrai marin, et il ne devait jamais en revenir. Au mois de juillet, il arriva de nouveau sur les côtes de la Nouvelle-Zemble. Le 19, il fut pris par les glaces et parvint cependant à s’avancer un peu plus à l’ouest, mais là il fallut hiverner. La rigueur du climat, les privations de toute sorte, épuisèrent ses forces. Il tomba malade, et le 10 juin ses compagnons de voyage l’ensevelirent en pleurant sur la côte ou il était venu, à trois époques différentes, chercher une route vers l’Orient.

Si, dans ce voyage, Barentz et ses compagnons ne purent parvenir au but qu’ils s’étaient proposé, ils obtinrent cependant d’importans résultats. De là date la découverte de Beeren-Eiland et de la côte nord-ouest du Spitzberg, qui plus tard attira une quantité de bâtimens de pêche et devint pour un grand nombre d’armateurs une source de prospérité.

En 1603, l’aldermann Cherry équipa un navire qu’il destinait à une exploration dans le Nord, et dont il confia le commandement à Steven-Bennet. Ce navire, en revenant de Cola, se trouva en vue de Beeren-Eiland. Bennet, qui ne connaissait pas, ou qui peut-être, pour faire une galanterie à son patron, feignit de ne pas connaître cette île, lui donna le nom d’île Cherry (Cherry-Island). C’est ainsi qu’elle est désignée dans toutes les cartes anglaises. Si aride, si pauvre que soit cette terre du Nord, c’est un acte de justice pourtant que de lui rendre son nom primitif et de restituer à Barentz le stérile honneur de l’avoir découverte. Bennet revint à Beeren-Eiland en 1606. D’autres bâtimens anglais y abordèrent en 1608 et 1609. Enfin la société moscovite établie à Londres, s’en empara comme d’une conquête, et l’Angleterre, fidèle à ses principes d’envahissement, défendit aux Hollandais de pêcher sur la côte découverte par un Hollandais. Mais à mesure que la pêche du Nord devint moins productive, les Anglais mirent moins d’ardeur à défendre leur privilége. Aujourd’hui nul peuple ne réclame plus la propriété de Beeren-Eiland. Les Norvégiens y viennent encore, quand les glaces l’entourent, pour pêcher le morse et le phoque, et les Russes y passent assez souvent l’hiver. Un négociant de Hammerfest, M. Augaard, a fait construire il y a quelques années, au nord de cette île, une cabane pour servir de refuge à ceux qui seraient retenus par l’orage ou enfermés pour tout l’hiver par les glaces. À l’ouest, on trouve encore une autre cabane bâtie par les Russes. Toutes deux ne sont qu’un grossier assemblage de poutres mal fermé et mal couvert ; la pluie, la neige, le

  1. En 1553, les Anglais avaient expédié une flotte au Nord, dans le but de chercher un passage pour aller au Cathay ; mais on ne sait par quels lieux passa Willoughby, qui avait le commandement de cette flotte, et que l’on trouva mort un an après sur la côte orientale de Laponie. Quant à Chancelon, qui commandait un des principaux bâtimens de l’escadre, il alla à Vardæhuus, et de là en Russie.