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ESSAI SUR LE DRAME FANTASTIQUE.

peuples de toutes les nations ouvriront le panthéon des libérateurs de la pensée et des amans de l’idéal !

KONRAD.

Konrad étant le nom du type privilégié de Mickiewicz, et en particulier celui du héros des Dziady, j’intitule ainsi le fragment de Mickiewicz dont je vais essayer de rendre compte, quoique ce fragment n’ait point de titre, ni dans la traduction, ni dans l’original, et soit seulement désigné : Troisième partie des Dziady, acte Ier. C’est donc un simple fragment que je vais mettre en regard de Faust et de Manfred. Mais qu’importe une lacune entre le travail publié en 1833 et celui que l’auteur poursuit sans doute en ce moment ? Qu’importe une suspension dans le développement des caractères et la marche des évènemens, si ces évènemens et ces caractères sont déjà posés et tracés d’une main si ferme, que nous reconnaissons au premier coup d’œil dans le poète l’égal de Goethe et de Byron ? D’ailleurs, le drame métaphysique n’étant pas astreint, dans sa forme, à la marche régulière des évènemens, mais suivant à loisir les phases de la pensée qu’il développe, le lecteur se préoccupe assez peu de l’accomplissement des faits, pourvu que la pensée soit suffisamment développée. Les deux premiers actes de Faust feraient une œuvre complète, et l’arrivée de Marguerite dans le drame ouvre déjà un drame nouveau où Faust n’a guère à se développer, et ne se développe guère en effet. La fin de Faust reste en suspens, et c’est Byron qui s’est chargé de terminer cette grande carrière d’une manière digne de son début. — Mais encore, dans Manfred, la première et la dernière scène suffiraient rigoureusement au développement de l’idée. Contentons-nous donc, quant à présent, du fragment de Mickiewicz. Nous verrons qu’il suffit bien pour constater la fraternité du poète avec ses deux illustres devanciers. Je ne le prouverai point par des assertions qu’on pourrait suspecter d’engouement, mais par des citations qui perdront en français tout autant que celles de Faust et de Manfred. Ainsi, la pensée, dépouillée de toute la pompe du style, mise à nu, et passant pour ainsi dire sous la toise de la traduction en prose, n’aura de mérite que par elle-même et dans l’ordre purement philosophique. Je dirai seulement quelques mots préliminaires sur la forme qui sert de cadre à cette pensée.

Nous avons dit que la nouveauté de cette forme créée par Goethe