Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/626

Cette page a été validée par deux contributeurs.
622
REVUE DES DEUX MONDES.

mauvais principe doit tomber sous les pieds de l’archange, et cet archange, c’est l’homme, éclairé enfin du rayon divin que Dieu a mis en lui ; car son œuvre à lui homme inspiré, à lui archange, à lui savant, philosophe ou poète, est de dégager ce rayon des ténèbres, dont vous, imposteurs, vous impies, vous calomniateurs de la perfection divine, l’avez enveloppé.

Il ne faut pas oublier qu’à cette époque où Byron était traduit devant l’inquisition protestante et catholique, à cette époque où Béranger, avec cette religion sage et naïve qui lui inspirait le Dieu des bonnes gens et tant d’odes touchantes et admirables, était cité à la barre des tribunaux civils comme écrivain impie et immoral ; il ne faut pas oublier, dis-je, que la jeunesse se pressait en foule à des cours de philosophie et de science d’où elle ne rapportait que la croyance au matérialisme, la certitude glaciale que l’ame de l’homme n’existait pas, parce qu’elle n’était saisissable ni à l’analyse métaphysique, ni à la dissection chirurgicale ; et Byron osait dire à cette génération d’hypocrites ou d’athées : — Non ! l’ame ne meurt pas ; un instinct divin, supérieur à vos analyses métaphysiques et anatomiques me l’a révélé. Je sens en moi une puissance qui ne peut tomber sous l’empire de la mort. L’ennui et la douleur ont ravagé ma vie, au point que le repos est le besoin le plus impérieux qui me soit resté de tous mes besoins gigantesques. J’aspire au néant, tant je suis las de souffrir ; mais le néant se refuse à m’ouvrir son sein. Ma propre puissance, éternelle, invincible, se révolte contre les découragemens de ma pensée ; elle me poursuit, elle est mon infatigable bourreau, elle ne me souffre pas abattu et couché sur cette terre dont j’invoque en vain le silence et les ténèbres. Elle me pousse dans des espaces inconnus, elle m’enchaîne à la poursuite de mystères impénétrables, elle proteste contre moi-même de mon immortalité, elle défie les terreurs de la superstition ; mais elle s’approche tristement de l’heure où, dégagée de ses liens, elle entrera dans une sphère d’intelligence supérieure, où elle comprendra les mérites ou les torts de son existence précédente, où elle punira ou récompensera elle-même, par la connaissance d’elle-même et de la vérité divine, ses pensées coupables ou vertueuses !

Ô misérable vulgaire ! troupeau imbécille et paresseux qui te traînes à la suite de tous les sophismes et accueilles toutes les impostures, combien te faut-il de temps pour reconnaître ceux qui te guident et pour démasquer ceux qui t’égarent ? L’heure n’est-elle pas venue, enfin, où tu vas cesser de vénérer les hommes qui te méprisent, et