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j’en demande humblement pardon au grand lyrique qui a adressé à Byron ces vers fameux :

Esprit mystérieux, mortel, ange ou démon,
Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie !…

Byron me semble beaucoup plus préoccupé de la science des choses divines que M. de Lamartine lui-même. M. de Lamartine accepte une religion toute faite, et la chante magnifiquement, sans se donner la peine d’examiner cette philosophie, beaucoup trop étroite et beaucoup trop erronée pour pénétrer et convaincre réellement sa haute intelligence. Né à la gloire dans une époque de réaction contre l’athéisme grossier, le chantre des Méditations, poussé par de nobles instincts, a été une des grandes voix qui ont prêché avec fruit, avec honneur, avec puissance, le retour au spiritualisme. Tout était juste alors pour la défense du grand principe ; mais, après la première chaleur du combat, il est impossible que le lyrique n’ait pas jeté un regard profond sur cette croyance catholique dont il s’était fait l’apôtre. Pourquoi donc ne l’a-t-il pas abjurée ouvertement, à l’exemple de ce grand homme qui, de nos jours, donne au monde le spectacle d’une sincérité si sublime et d’un courage si vénérable, en disant : Jusqu’alors je m’étais cru catholique ; il paraît que je m’étais trompé. À coup sûr l’absurde et l’odieux de ces doctrines catholiques n’ont point échappé à la sagacité et à la loyauté de M. de Lamartine. Cependant, au lieu d’entrer dans une nouvelle phase d’inspiration et de lumière, il a continué à accorder sa lyre sur le même mode. Il nous a vanté en de très beaux vers l’excellence de ces sacrifices humains dont Jocelyn est un exemple funeste ; il a lancé plus que jamais l’anathème sur notre grande révolution française, où pourtant il eût à coup sûr joué un rôle, non à l’étranger, dans un honteux exil, mais sur le banc des girondins peut-être. La soif d’action politique qui dévore aujourd’hui le poète sacré prouve bien qu’il n’est pas l’homme du passé, le Jérémie de la restauration. Aujourd’hui, les nouveaux vers de M. de Lamartine ont été, dit-on, mis à l’index par le saint père, par le chef suprême de la religion qu’il a si vaillamment défendue, si généreusement servie. Cette nouvelle sottise du Vatican ébranlera-t-elle la foi du chantre des Méditations ? Nous pensons bien que la chose est faite depuis long-temps, car les hérésies du dernier poème de M. de Lamartine nous montrent la révolte irrésistible de son intelligence contre le joug catholique ; mais nous ne croyons pas que M. de Lamartine, absorbé par les soucis parlemen-