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est naturellement grise, cette couleur bleuâtre ou verdâtre que nous lui trouvons, et qui a fait donner à cette espèce le nom de thé vert.

Le thé noir et le thé vert sont produits par la même plante. Quelques personnes m’ont assuré que la feuille du thé noir était cueillie dans une certaine saison, et celle du thé vert dans une autre ; mais je crois que la différence entre les deux qualités vient de plusieurs causes : d’abord le choix qu’on fait des feuilles les plus tendres pour le thé vert, le soin plus particulier avec lequel ce dernier est trié et roulé, enfin le chauffage ou dernière dessiccation, qui se fait d’une tout autre manière pour l’une et l’autre espèce. J’ai déjà dit comment se pratique le chauffage pour le thé vert ; le thé noir, au lieu d’être placé dans des cuves, est mis dans de grandes corbeilles tressées comme un tamis ; au-dessous de ces corbeilles, on allume un feu de charbon bien épuré, afin que la fumée ne donne pas mauvais goût à la plante. Cette opération se renouvelle plusieurs fois, suivant l’espèce de thé qu’on veut obtenir.

Dans les environs de Canton, on ne fait que du thé de qualité inférieure : la culture de cette plante y est négligée, si j’en juge du moins par ce que j’ai vu ; mais les Chinois, qui savent tirer parti de tout, font de ce thé commun du thé vert qu’ils vendent à leurs compatriotes, quelquefois aussi au commerce étranger, en le faisant passer pour du thé de l’intérieur. Pour cela, ils étendent ce thé dans de grandes caisses plates et le coupent en petits morceaux imitant la feuille du thé vert, au moyen d’une espèce de bêche à lame très fine ; pour rendre la ressemblance plus parfaite, et faire disparaître les traces de cette opération, ils le roulent ensuite entre de grandes pièces de toile ; enfin ils le mettent de nouveau au feu, et lui donnent la couleur exigée.

Le maître de l’établissement voulut absolument nous faire prendre du thé avant de nous laisser partir ; mais il était trop poli pour nous faire boire du thé de sa fabrique. Il nous fit servir huit ou dix espèces différentes de thé, parmi lesquelles je remarquai une sorte de thé hyson, qui me parut ce que j’avais goûté de meilleur jusqu’alors. Les Chinois ne préparent pas et ne prennent pas le thé comme nous : ils mettent dans chaque tasse, ordinairement très petite, la qualité et la quantité de thé qui conviennent au buveur. On remplit la tasse d’eau bouillante, et immédiatement après on la recouvre d’une espèce de couvercle qui la ferme hermétiquement ; chacun laisse les feuilles infuser tout le temps nécessaire pour donner au breuvage la force qu’il désire. Généralement, les Chinois prennent le thé brûlant, et toujours, ainsi que je l’ai déjà dit, sans lait et sans sucre ; ils le boivent à petites gorgées, en soulevant doucement le couvercle de la tasse et le rabaissant rapidement, afin que le parfum ne s’en évapore pas.

Dans le commerce de thés, l’essayage est une affaire d’une grande importance ; lorsque la compagnie anglaise des Indes orientales avait le privilége exclusif de ce commerce, elle avait des essayeurs qu’elle payait jusqu’à 75,000 francs par an. Nous vîmes chez M. Dent, négociant anglais, aujourd’hui notre agent consulaire à Canton, la manière dont on procède à l’essayage des thés. La vue est d’abord consultée, puis l’odorat ; mais comme ces