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LA COMÉDIE AU DIXIÈME SIÈCLE.

Paphnuce. — J’y vais.

Les jeunes gens. — Si vous le voulez, nous vous accompagnerons.

Paphnuce. — Je préfère y aller seul.

Les jeunes gens. — Comme il vous plaira.



Scène III.


PAPHNUCE, THAÏS.

Paphnuce. — Êtes-vous ici, Thaïs, vous que je cherche ?

Thaïs. — Qui est là ? quel inconnu me parle ?

Paphnuce. — Un homme qui vous aime.

Thaïs. — Quiconque m’aime est payé de retour.

Paphnuce. — Ô Thaïs ! Thaïs ! quel long et pénible voyage j’ai entrepris pour pouvoir vous parler et contempler votre beauté !

Thaïs. — Eh bien ! je ne me dérobe point à vos regards, et ne refuse pas de m’entretenir avec vous.

Paphnuce. — Un entretien aussi intime que celui que je désire demande un lieu plus solitaire que celui où nous sommes.

Thaïs. — Voici une chambre à coucher, bien meublée, et qui offre une habitation commode.

Paphnuce. — N’y a-t-il pas un réduit plus retiré où nous puissions nous entretenir plus secrètement ?

Thaïs. — Oui, il y a encore dans ce logis un lieu plus reculé, et si secret, qu’après moi il n’y a que Dieu qui le connaisse.

Paphnuce. — Quel dieu ?

Thaïs. — Le vrai Dieu.

Paphnuce. — Vous croyez donc que Dieu sait tout ?

Thaïs. — Je n’ignore pas que rien ne lui est caché.

Paphnuce. — Croyez-vous qu’il soit indifférent aux actions des pécheurs, ou qu’au contraire il soit équitable pour tous ?

Thaïs. — Je suis convaincue que, dans la balance de sa justice, il pèse les actions de tous les hommes, et qu’il dispense à chacun, suivant ses œuvres, le châtiment et la récompense.

Paphnuce. — Ô Jésus-Christ ! que ta bonté pour nous est admirable et patiente ! Ceux même que tu vois pécher sciemment, tu tardes à les punir !

Thaïs. — Pourquoi changez-vous de couleur ? Pourquoi tremblez-vous ? Pourquoi versez-vous des larmes ?

Paphnuce. — Votre présomption me fait horreur, je déplore votre chute ; car vous saviez ces vérités, et cependant vous avez perdu un si grand nombre d’ames !

Thaïs. — Malheur, malheur à moi !

Paphnuce. — Vous serez damnée avec d’autant plus de justice que vous avez, avec une plus grande présomption, offensé sciemment la majesté divine !