Scène II.
Paphnuce. — J’aperçois des jeunes gens dans le forum. Je vais les aborder et leur demander où je trouverai celle que je cherche.
Les jeunes gens. — Cet inconnu semble vouloir nous aborder ; voyons ce qu’il veut de nous.
Paphnuce. — Holà ! jeunes gens, qui êtes-vous ?
Les jeunes gens. — Des habitans de cette ville.
Paphnuce. — Je vous salue.
Les jeunes gens. — Salut à vous, qui que vous soyez, étranger ou citoyen.
Paphnuce. — Je suis étranger.
Les jeunes gens. — Et pourquoi venez-vous ici ? que cherchez-vous ?
Paphnuce. — Je ne puis le dire.
Les jeunes gens. — Pourquoi ?
Paphnuce. — C’est mon secret.
Les jeunes gens. — Vous feriez mieux de nous le confier ; car, n’étant pas de cette ville, vous aurez de la peine à faire ce que vous voulez, sans les conseils des habitans.
Paphnuce. — Peut-être en vous disant ce qui m’amène élèverais-je quelques obstacles à mes desseins.
Les jeunes gens. — Aucun obstacle ne viendra de nous.
Paphnuce. — Je cède à votre promesse et me fie à votre loyauté. Je vais vous communiquer mon secret.
Les jeunes gens. — Ne craignez de notre part aucune infidélité ni aucune entrave à vos désirs.
Paphnuce. — J’ai appris qu’il habite parmi vous une femme que tout le monde est forcé d’aimer et qui est affable pour tout le monde.
Les jeunes gens.— Savez-vous son nom ?
Paphnuce. — Oui.
Les jeunes gens. — Comment se nomme-t-elle ?
Paphnuce. — Thaïs.
Les jeunes gens. — C’est le feu qui embrase tous nos concitoyens.
Paphnuce. — On la dit la plus belle et la plus voluptueuse des femmes.
Les jeunes gens. — Ceux qui vous en ont ainsi parlé ne vous ont pas trompé.
Paphnuce. — C’est pour elle que j’ai supporté un long et pénible voyage. Je ne suis venu que pour la voir.
Les jeunes gens. — Rien ne s’oppose à ce que vous la voyiez.
Paphnuce. — Où demeure-t-elle ?
Les jeunes gens. — Tenez, son logis est tout proche.
Paphnuce. — Est-ce cette maison que vous me montrez du doigt ?
Les jeunes gens. — Oui.